Umberto Eco rafraîchit “Le Nom de la rose”
Lu ailleurs/Metronews (2012)
L’écrivain italien sort une version “revue et corrigée” du Nom de la rose, trente-deux ans après sa parution. Une manière originale de s’adresser à la jeune génération.
“N’achetez pas ce livre, parce que la publicité fait croire que c’est un livre différent !”
C’est par ces mots qu’Umberto Eco a choisi de promouvoir sa nouvelle édition du Nom de la rose, lors d’une rencontre au Lutetia organisée par Le Magazine littéraire. Malicieux, le bonhomme n’en est pas moins honnête. Cette réédition, qui vient de paraître chez Grasset, comporte bien quelques changements. Et c’est un peu à Internet qu’on les doit. “En août dernier, explique Eco, comme il ne se passait rien, il n’y avait rien à lire dans les journaux. Alors un journaliste italien a écrit que j’étais en train de faire un “Nom de la rose pour les nuls !” Cette information – fausse – a circulé sur Internet.”
La vérité, c’est qu’Umberto Eco a revu son texte au prisme de l’informatique, qui lui a révélé quelques répétitions syntaxiques. Il en a profité pour remanier son texte, supprimer de longues citations latines, alléger des descriptions et corriger certains anachronismes, comme les secondes que compte le héros, Guillaume de Baskerville, alors que les secondes n’existaient pas au Moyen Age… De menues erreurs qui n’ont pas empêché son “polar philosophique” de se vendre à 30 millions d’exemplaires dès sa parution, en 1980. “Je suis persuadé que si je l’avais écrit dix ans plus tôt, personne ne l’aurait remarqué, dit-il. Certains livres viennent combler une attente, peut-être celui-ci est-il apparu dans une période de transition, comme la nôtre.”
Concerné par l’avenir du livre ?
Peut-être aussi que son roman retrouvait les codes des grands polars du XXe siècle : “Qui a fait ça ?’, se demandent les policiers comme les métaphysiciens. C’est la question d’Aristote, de Sherlock Holmes et de Maigret… C’est le frisson du polar que donne toute enquête philosophique sérieuse.” Collectionneur de livres anciens, sémiologue et universitaire, Eco est très concerné par l’avenir du livre, curieux de ses avatars numériques et des possibilités de l’iPad.
“Aucune invention technologique n’a supprimé l’invention précédente. La photo n’a pas aboli la peinture, ni le cinéma le théâtre… Je préfère le livre sur papier, évidemment, mais quand je voyage, j’emmène mes titres de référence sur un iPad. C’est quand même plus pratique, surtout après une sciatique !” En revanche, Internet lui fait peur : “Cette surcharge d’informations doit être filtrée pour ne pas nous rendre stupides.” Surtout quand on nous faire croire que Le Nom de la rose a été réécrit ? “Re-vu et corrigé”, martèle-t-il.