Dans Les Français peints par eux-mêmes (Tome 1) paru en 1840, Jules Janin explique que « les savants (foin des savants !) qui expliquent toute chose, qui trouvent nécessairement une étymologie à toute chose, se sont donné bien de la peine pour imaginer l’étymologie de ce mot-là, la grisette. Ils nous ont dit, les insensés ! qu’ainsi se nommait une mince étoffe de bure à l’usage des filles du peuple, et ils en ont tiré cette conclusion : Dis-moi l’habit que tu portes, et je te dirai qui tu es ! »
Cette explication en vaut bien une autre, celle de la comtesse de Bradi, par exemple. Après avoir constaté que du temps de Louis XV, les seigneurs de la cour avaient en même temps pour maîtresses des femmes de théâtre, de grandes dames et de jeunes filles du peuple, Mme de Bradi continue ainsi :« L’actrice ou la danseuse s’enorgueillissait si, dans son antichambre, on reconnaissait la livrée d’un homme que l’on rencontrait à Versailles ; mais la grande dame et la petite ouvrière s’en effrayaient également. Afin que les billets fussent portés et reçus sans que l’on en causât à l’Œil-de-bœuf ou dans les maisons d’apprentissage, on habilla de gris les laquais destinés à ces fonctions, toutes de confiance, et le nom de grisou leur fut donné, ainsi que nous voyons dans les comédies et romans de cette époque. Les grandes dames avaient des titres, on n’imagina point de les désigner particulièrement ; mais les ouvrières en mode, en couture, qui recevaient le laquais ainsi travesti, furent par analogie nommées grisettes, ce qui signifiait filles jolies, pauvres et séduites. »