Expo à Paris/ Thuram squatte chez Delacroix

Des orientalistes trop occidentaux !

Le musée Delacroix est un lieu de verdure et d’art au cœur de Paris. On pourrait le croire préservé, mais qu’est-ce qui l’est, à moins d’une volonté farouche de refuser les œufs pourris que la vieille modernité a soin de pondre partout où elle en a la possibilité ? Directrice du musée depuis janvier 2014, Dominique de Font-Réaulx a ouvert les lieux aux zœuvres de la Foire internationale d’art contemporain (octobre 2015, 2016, 2017). Une ouverture en forme de brèche : c’est maintenant l’idéologie racialiste qu’elle fait entrer dans l’appartement, dans l’atelier, dans le jardin de Delacroix – en la personne de Lilian Thuram.

Ce dernier est commissaire de l’exposition « Imaginaires et représentations de l’Orient – Questions de regards ». Vous pensiez qu’il fallait, pour être commissaire d’une exposition artistique muséale, avoir fait des études d’histoire de l’art assez ardues ? Il suffit d’être président-fondateur de sa propre fondation : la Fondation Lilian Thuram pour l’éducation contre le racisme. Ce n’est pas la première fois que Thuram a des responsabilités autres que de pousser la balle, il était déjà commissaire général de « Exhibitions, l’invention du sauvage », exposition du Quai Branly (2011-2012).

Il est aidé dans sa docte tâche par Dominique de Font-Réaulx et par un membre du comité scientifique de… sa propre fondation : Françoise Vergès. Vigoureuse idéologue féministe (Thuram rappelé à la loi pour violences conjugales, en 2013 ? Pas grave), elle est une non moins vigoureuse idéologue anticolonialiste. Entre autres causes, Françoise Vergès est un des membres fondateurs du collectif « Décoloniser les arts ». Question connaissances, c’est pas l’Ecole du Louvre. Question esprit, c’est pas l’école romantique non plus. C’est l’école de la haine contre l’Occident qui vient donner sa lecture de l’orientalisme. Le visiteur est prié de trouver objectifs et scientifiques les préjugés et les postulats auxquels les tableaux de Delacroix – misère ! – servent de support.

Un Occidental réduit à quelques clichés

Sachez donc que l’Occidental aime « se travestir avec des vêtements orientaux » qui lui donnent un sentiment de « liberté ».

Sachez donc que la femme occidentale s’exprimant en « gestes étriqués », l’Occidental a beaucoup fantasmé sur le harem mais que, de nos jours, des artistes modernes nés dans les « périphéries urbaines » se réapproprient ces clichés. « Ils parlent d’un monde en processus d’hybridation et contestent un orientalisme qui a réduit la diversité des positions des femmes et des hommes dans le monde musulman. » On peut en effet considérer que la position des femmes par rapport aux hommes dans le monde musulman a la même diversité que le voile, le hidjab, la burka, le niqab.

Sachez enfin que l’orientalisme est vicié, l’Occidental refusant à l’Orient « une identité propre et singulière ». Contre-vérité, puisque les Orientalistes se sont plongés avec délices dans les innombrables identités « orientales », au sens le plus large. Dans son voyage, Delacroix a rencontré aussi des juifs, des chrétiens. Costume souliote, casque circassien, etc., autant d’études qui renvoient à une variété culturelle et religieuse réelle. L’égalité Orient = islam (« dans le monde musulman ») qu’envisage l’exposition est une mathématique proprement islamique qui nie radicalement les identités singulières de l’Orient.

La faute à l’Occidental

La rengaine n’est pas neuve : l’homme blanc est coupable. Il ne serait pas allé peindre en Orient, on signalerait son mépris européocentré. Y est-il allé que les peintures sont autant de témoignages de son mépris européocentré. C’est le refrain de l’anti-racisme qui ne dissimule plus son racisme anti-occidental, avec dans le cas présent l’aide servile et empressé de l’ethnomasochiste Dominique de Font-Réaulx. Les choses sont habilement faites : à aucun moment Delacroix n’est sali, ce qui aurait provoqué une levée de bouclier. Ce n’est pas lui qui est visé mais l’homme blanc orientaliste en général, et l’Occidental tout court. Si vous vous attendez à ce que l’exposition dénonce le colonisateur turc et sa domination sur des terres orientales et maghrébines asservies et méprisées, n’attendez rien. N’attendez pas non plus que le philhellenisme de Delacroix dans la guerre d’indépendance de la Grèce contre l’empire ottoman lui soit compté comme un bon point.

Je me souviens avoir vu une très belle exposition en 1994 ou 1995 : « Delacroix, le Voyage au Maroc ». C’était à l’Institut du Monde Arabe. On a beaucoup critiqué cet IMA, mais c’est là qu’a été donnée la superbe exposition « Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire » qui vient de s’achever. L’IMA sait travailler de façon honnête. Que le musée de la rue Fürstenberg en prenne de la graine, plutôt que de confier les clés de l’atelier du fier Delacroix à des idéologues mal inspirés. On boycottera la présente exposition, et on attendra la grande rétrospective du musée du Louvre consacrée à Delacroix (à partir du 28 mars), dans laquelle Lilian Thuram n’a aucune responsabilité.

Photo : Lilian Thuram (© Twitter / Musée du Louvre)


 Nègre joyeux : une révélation du Canard ?

Le Canard enchaîné de la semaine dernière révèle que le « Nègre joyeux », enseigne de la rue Mouffetard qui a fait scandale et qui doit être retirée à la suite de campagnes de mouvements prétendument antiracistes et du Parti communiste, et censée représenter un esclave noir peint au XVIIe ou XVIIIe siècle, représente en fait un client noir se faisant servir un café par une soubrette blanche. Information intéressante… sauf que Présent avait déjà donné cette même information dans son numéro daté du 24 novembre. A l’évidence, le volatile réputé « bien informé » a connu de longs débats internes pour savoir s’il fallait vraiment dire la vérité à ses lecteurs, au risque de désespérer les bobos, de Billancourt et d’ailleurs.


Lu sur Présent

 

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