Par Alain Sanders
Nous sommes en 1854. Avec deux jeunes officiers sortis de West Point. L’un s’appelle Jeb Stuart (Errol Flynn). L’autre G.A. Custer (Ronald Reagan). Jeb Stuart sera l’un des héros des armées sudistes. Custer sera un féroce officier yankee, massacreur de Sudistes. Il sera massacré à son tour à Little Big Horn.
Quand je vous aurai dit que le beau souci de ces deux cadets, Kit Carson Holliday (Olivia de Havilland), est jolie comme un cœur, et que le commandant de West Point à cette époque est Robert E. Lee, il me restera à vous signaler que ce film de 1940, signé Michael Curtiz, va beaucoup plus loin – plus loin politiquement s’entend – que de belles chevauchées et de tonitruantes pétarades.
Quelle est la mission confiée à ces deux jeunes et fringants officiers ? Une intervention musclée du côté de Santa Fe pour ramener à la raison un dangereux excité, John Brown. A ce John Brown, qui fut le dingo que nous allons dire, les Nordistes ne trouvèrent rien de mieux que de consacrer une chanson de marche, John Brown’s Body, qui a fait l’objet d’une version en français que l’on faisait naguère chanter aux scouts.
Né en 1800, John Brown, qui se faisait appeler « Captain Brown », était une sorte d’illuminé. Adepte de la polygamie (il eut une vingtaine d’enfants qu’il mobilisa pour servir ses desseins), il se disait chargé d’une « mission divine » : abolir l’esclavage en tuant le plus grand nombre possible de Sudistes. Ce à quoi il s’employa, notamment au Kansas.
En 1859, payé et armé par le lobby abolitionniste qui avait trop lu La Case de l’Oncle Tom (écrit par une mégère qui n’avait jamais été dans le Sud…), il attaqua le dépôt d’armes de Harpers Ferry dans le nord de la Virginie. Dans l’idée d’armer – pour commencer – les Noirs de la bourgade. Non seulement pas un Noir n’accepta de le suivre, mais lui (ou un de ses suiveurs) tua un… Noir libre qui se trouvait sur son chemin… Cette victime de John Brown a son monument commémoratif, payé par les descendants des combattants sudistes, à Harpers Ferry. Quand j’y fus, je n’ai pas manqué d’y déposer quelques fleurs.
C’est, par-delà la mignonnette histoire d’amour et la rivalité de deux jeunes cavaliers, cet épisode tragique qui est raconté dans Sur la piste de Santa Fe, film ante bellum (comme on dit aux Etats-Unis) à classer dans nos dévétèques à côté de L’Escadron noir (Raoul Walsh, 1940) et de Shenandoah (Andrew McLaglen, 1965) notamment.
Inutile de dire que ce film défrisa les crânes d’œuf de la côte Est. Pensez, le noble rôle y est tenu par Jeb Stuart (qui deviendra une légende de la guerre entre les Etats), jeune officier qui cultive le savoir-faire guerrier et les belles manières. Mais nous autres, qui avons attrapé depuis longtemps la Scarlettine, on l’aime beaucoup !