Le marketing du consumérisme!

C’est parti depuis près d’un mois, maintenant. Le très juteux marché de Noël a sorti ses horribles petits chalets peints en faux bois ou en blanc version Grand Nord. Ne manquent plus que des ours polaires ou quelques loups pelés pour faire plus vrai. Paris n’échappe évidemment pas à cette gigantesque mascarade. Il n’est que de voir les trois kilomètres de baraques à frites, à saucisses et autres merguez posées sur le bas des Champs-Elysées pour s’en persuader. Truffée de bibelots « made in China » et de fausses babioles russes, cette fête foraine agrémentée d’illuminations aguicheuses a été inaugurée par le duo Hidalgo/Omar Sy. La place du Tertre a également joué le jeu avec des Montmartrois pur jus et désireux de perpétuer les bonnes traditions. Hélas, trois fois hélas ! le marché de Noël de la Butte est une exception dans Paris.

« Bouffe » pour tout le monde, tel est le credo commun : crêpes fabriquées à la chaîne, beignets improbables baignant dans l’huile, insipide vin chaud pour les uns, bière au mètre pour les autres, l’estomac n’est pas à la fête. Comme si cela ne suffisait pas, les chalands se voient proposer la douzaine de saucissons au roquefort, à la noix, aux herbes et autres compositions diverses et variées en provenance directe de l’est de l’Europe. On y ajoute des macarons aux couleurs de loukoums, des chocolats sans cacao et le benêt est content… Délesté d’euros sonnants et trébuchants, mais content. Au point d’ailleurs d’avoir laissé, en 2013, la somme rondelette de 400 millions d’euros sur l’ensemble des marchés de Noël de France et de Navarre.

Noël pour les chiens
Ravis d’exploiter ce filon, des petits malins ont vulgarisé les calendriers de l’Avent, leur enlevant leur caractère religieux originel et mélangeant joyeusement calendrier, produits de beauté ou jouets pour les gamins. Comble du ridicule, on trouve même des calendriers de l’Avent pour chiens ou chats. Aux dernières nouvelles, les canaris et les perroquets ne sont pas dans le coup. Mais qu’ils ne désespèrent pas !

Seule en France, la ville de Strasbourg résiste à la laïcisation du marché de Noël qui affiche fièrement ses quatre siècles d’âge, ses échoppes proposant crèches et santons, icônes peintes et miniatures en cristal des souffleurs de verre de Meisenthal. La capitale alsacienne a même eu la bonne idée de faire la chasse aux merguez, kebabs et autres hot-dogs, qui sont remplacés par les bons miels vosgiens, les tartes flambées et les petits gâteaux secs de Noël. Anne Hidalgo ferait bien d’en prendre de la graine, mais elle a trop peur de se mettre à dos ses copains qui fêtent Ramadan à l’Hôtel-de-Ville.

La fête du consumérisme à tout va ne se limite pas, bien évidemment, au seul marché de Noël. On en veut pour preuves les vitrines des grand magasins de la capitale ou les catalogues distribués ici ou là, qui ont tous pour point commun de pousser à la consommation.

A tout seigneur, tout honneur, la nouvelle prise de guerre des Qataris, le Printemps Haussmann, n’a rien trouvé de mieux que de s’acoquiner avec le Britannique Burberry pour nous concocter des vitrines très british où se mêlent « démesure gourmande », « rêves et foisonnement de cadeaux », le tout avec le concours de son smartphone. Oui, vous avez bien lu : chacun peut, en effet, interagir avec les vitrines du grand magasin et voyager dans les décors imaginés par les créateurs du célèbre imper qui figurent le voyage d’un petit garçon de Londres jusqu’à Paris. Et c’est ainsi que l’on voit, boulevard Haussmann, quantité de péquins jouer avec leur smartphone, pour la plus grande joie des pickpockets, particulièrement actifs en ces périodes de fêtes.

Les vitrines des Galeries Lafayette toutes proches ont choisi, elles, de mettre en valeur des monstres roses (un rapport avec la Manif pour tous ?), en tête desquels un certain Gustave, entouré d’une pléiade de monstres, au milieu desquels on peut admirer des bijoux, des sacs à main et des vêtements de luxe à des prix prohibitifs.

Caviar et cashmere
Changement de décor dans le très chic magasin du Bon Marché où les rennes sont les acteurs principaux des vitrines et se montrent des aides efficaces du Père Noël. Jouets traditionnels, livres didactiques, espace destiné à tous ceux qui veulent s’offrir une crèche ou la compléter grâce à un large choix de vrais santons de Provence, sont autant de marques du bon goût français. Bien sûr, le tape-à-l’œil est aussi au rendez-vous de ce magasin qui ne saurait faire oublier qu’il est la propriété du Groupe LVMH, adepte à la fois de Jeff Koons et du luxe ostentatoire, mais qui doit également tenir compte des comportements sociaux des familles habitant le Faubourg Saint-Germain.

Si vous souhaitez faire des cadeaux autour de vous, qu’il s’agisse de votre conjoint(e), de vos enfants, petits-enfants ou amis, épargnez-vous la lecture des suppléments du Monde et du Figaro. Vous risquez d’avoir une syncope… ou l’embarras du choix, ne sachant pas si vous allez craquer pour 50 grammes de caviar à 516 euros, des chaises « Luxe Gstaad » à 4 200 euros pièce, un pull coton et cashmere à 1 150 euros ou, plus modestement, pour le livre Hollande s’en va à 18,80 euros. A vous de jouer, en gardant la tête froide !

Lu dans Présent

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