Ainsi M. Griveaux, sans doute préoccupé par le soulèvement de la France périphérique qui s’annonce pour le 17 novembre, a souhaité, jeudi matin, sur France Inter, que le « pays légal »rende enfin visite au « pays réel » ! Maurras, qui est l’auteur de cette célèbre distinction, aurait souri de s’en voir contester la paternité par un ministre à la culture défaillante au profit — allez savoir pourquoi ! — de Marc Bloch, auteur lui-même d’une citation sur le sacre de Reims et la fête de la Fédération que nous faisons d’ailleurs volontiers nôtre !
Mais le maître de l’Action française se serait surtout réjoui de constater, à cette occasion, la persistance du rayonnement des analyses qu’il avait posées au début du XXe siècle. Éric Zemmour rappelait, mercredi, dans une conférence à l’ISSEP, l’école de sciences politiques récemment créée à Lyon par Marion Maréchal, que de Gaulle et la Ve République devaient à Maurras, d’une part, l’idée de restauration de la durée et de l’autorité au sommet de l’État, contre les faiblesses du régime parlementaire et, d’autre part, la ligne générale de leur politique étrangère, celle d’une grande puissance moyenne cherchant à fédérer les non-alignés pour résister aux grands blocs antagonistes.
Il aurait pu ajouter que la troisième leçon, celle de la distinction du « pays réel » et du « pays légal », justement, aurait elle aussi mérité d’être entendue ! Maurras, à travers elle, apparaît en effet comme un précurseur, non seulement de l’idée de décentralisation (ce qui est bien connu), mais aussi du populisme en ce sens qu’il a perçu et décrit avant tout le monde le divorce du peuple et des élites illégitimes qui trahissent la nation au profit des idéologies ou d’une fausse conception de l’universel. Un portrait-robot qui correspond assez bien à M. Griveaux et à ses semblables… la boucle est bouclée !
Stéphane Blanchonnet -Boulevard Voltaire