Marie Madeleine la Passion révélée

Figure ambivalente, Marie Madeleine est à la fois pécheresse et repentante, voluptueuse et ascète, mondaine et ermite. Le monastère de Brou dédie une exposition à ce personnage biblique, premier témoin de la Passion et de la Résurrection. Du Moyen Âge à nos jours, plus de 100 œuvres illustrant la vie de la sainte sont présentées. L’exposition retrace un aperçu historique de la constitution de la figure de Marie Madeleine, puis l’émergence et le développement de son culte, et enfin, l’évolution de son iconographie avec les différents épisodes de sa vie racontés dans la Légende dorée.

Trois femmes en une seule

En 591, le pape Grégoire le Grand consacre la tradition qui réunit trois femmes biblique en une figure unique : Marie Madeleine. Ces trois femmes citées dans les Évangiles sont : la pécheresse qui répand des parfums sur les pieds du Christ et les essuie de ces cheveux, Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare, et Marie de Magdala dont le Christ a chassé les démons. À partir du VIe siècle, le culte de la Madeleine se répand largement en France, principalement grâce aux moines de Vezelay. Son histoire est véritablement établie au XIIIe siècle grâce à la Légende dorée de Jacques de Voragine qui relate précisément les différents épisodes de la vie de la sainte. Ces derniers sont une source d’inspiration inépuisable pour les artistes qui, touchés par sa beauté légendaire, sa solitude dans le désert et son amour inconditionnel pour le Christ, ne cessent de la représenter du Moyen Âge à nos jours.

La pécheresse repentie dans les arts

Jusqu’au XIIIe siècle, les artistes associent la Madeleine aux scènes de la Passion. Ce n’est qu’à partir de la fin de l’époque médiévale qu’elle commence à être représentée pour elle même, incarnation d’une beauté idéale avec ses longs cheveux dorés et son flacon de parfum. Ce flacon de myrrhe, souvent un vase en albâtre, rappelle trois épisodes de la vie de la sainte : le parfum de la séduction, celui de l’onction du Christ à Béthanie et enfin l’onguent funèbre. A partir du milieu du XVe siècle, Marie Madeleine se détache petit à petit des autres femmes au pied du calvaire. Les artistes lui attribue une place privilégiée, au plus près du Christ crucifié, et ce, jusqu’à la figurer en train d’étreindre la croix. D’autre part, l’iconographie de la pénitence dans la grotte se la Sainte-Baume connaît un véritable succès.

Les peintres empruntent à sainte Marie l’Égyptienne, prostituée retirée dans le désert, sa longue chevelure dorée. Après le concile de Trente, l’iconographie de la contrition est préférée à celle de la myrrophore (Marie Madeleine et son flacon de myrrhe). Crâne, crucifix, miroir et bougies viennent enrichir les tableaux. Ces Memento mori, « souviens-toi que tu vas mourir », évoquent la vanité des biens matériels et le caractère éphémère de la vie terrestre. À l’époque de la Renaissance, la scène de l’élévation au ciel de la sainte par les anges est appréciée tandis qu’au XVIIe, l’extase mystique connaît un certain succès. Enfin, au XIXe siècle, Marie Madeleine perd parfois ses attributs religieux pour devenir un prétexte à la représentation de la nudité féminine, prêtant parfois ses traits à des demi-mondaines.

Et Marie Madeleine aujourd’hui ?

Aujourd’hui, Marie Madeleine figure parmi les rares saints qui inspirent encore les artistes. Intégrée dans un imaginaire occidental plus vaste, elle fascine les amateurs de mystère et d’ésotérisme, peintres, réalisateurs ou encore écrivain pour ne citer que Dan Brown et son Da Vinci Code. Elle reste pour les chrétiens une figure de rédemption et un bel exemple d’amour inconditionnel. Ce riche parcours iconographique du Moyen Âge à nos jours est présenté jusqu’au mois de janvier au monastère de Brou, puis il rejoindra le Musée de la Chartreuse à Douai et le Musée des Beaux-Arts de Carcassonne. Cette exposition prend tout son sens au sein du monastère de Brou car sa fondatrice, Marguerite d’Autriche, portait une dévotion particulière à la sainte. Les représentations de Marie Madeleine au sein de l’édifice font l’objet d’un parcours parallèle à l’exposition.

Toi seule sais aimer, comme il faut qu’il le soit,

Celui qui t’a marquée au front avec le doigt,

Celui dont tu baignais les pieds de myrrhe pure,

Et qui pour s’essuyer avait ta chevelure ;

Celui qui t’apparut au jardin, pâle encore

D’avoir dormi sa nuit dans le lit de la mort ;

Et, pour te consoler, voulut que la première

Tu le visses rempli de gloire et de lumière.

Théophile Gauthier, La comédie de la mort, 1838

Marie Madeleine la Passion révélée, monastère royal de Brou (Ain),  jusqu’au 27 février 2017

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