La contestation du clivage droite-gauche est devenue presque aussi classique que le clivage lui-même. Tout semble avoir été dit sur le sujet. Jean-Louis Harouel, professeur émérite d’histoire du droit à Assas, nous prouve le contraire en proposant une réflexion religieuse. Sa thèse, surprenante, peut se résumer ainsi : la gauche est l’héritière des « falsifications du christianisme », c’est-à-dire des hérésies. Ce ne sont même plus les « idées folles » dénoncée par Chesterton, puisqu’elles ne sont pas chrétiennes. La droite, elle, tiendrait sa doctrine du christianisme authentique.
Les prodromes de la gauche sont à chercher, selon l’auteur, dans deux grandes hérésies : gnose et millénarisme. La gnose ? Une hérésie anti-biblique, divinisant l’Homme et prônant un individualisme de débauche, une société opposée à l’ordre et à la justice. Issue du marcionisme, la gnose s’est muée jusqu’à nous en un gauchisme relativiste et laxiste, féru de « révolution sexuelle ». C’est l’esprit libertaire. On pourrait lui opposer une autre hérésie chrétienne : le millénarisme. Le millénarisme ? Il s’agit de la croyance en un règne terrestre millénaire du Christ. Promesse utopique d’un paradis sur terre, matrice première de tous les socialismes, on en retrouve la trace, au XIXe siècle, chez Weitling et Marx. Des Taborites de Bohème aux communistes en passant par les Diggers anglais, nombreuses seront les factions à succomber à cette utopie. De la réunion de ces deux idéologies, libertaire et progressiste – chez Joachim de Flore notamment – naîtra un monstre à plusieurs têtes : la gauche, dont l’un des visages contemporains, sur lequel insiste Harouel, est la « religion humanitaire » des droits de l’Homme.
Face à elle, que trouve-t-on ? Les droites qui, dans leur diversité, sont unies dans leur réalisme philosophique et leur filiation chrétienne authentique. A travers les Evangiles et la Tradition, elles nous livrent une leçon d’anti-utopie. Les idées de droite, chrétiennes donc, sont le respect de la loi naturelle résumée dans le Décalogue. On y trouve également la piété filiale envers la nation ; Harouel la fait remonter au peuple hébreu d’hier et à l’état d’Israël d’aujourd’hui. On retrouve là un tropisme pro-israélien, déjà présent dans Revenir à la nation (2014), qui surprendra sans doute certains lecteurs.
Insistant sur l’enracinement national et les missions justicières de l’Etat régalien, Harouel cherche aussi à légitimer, à partir du christianisme, une « dimension libérale de la droite ». Il affirme surtout le caractère primordial de la liberté économique, tout en précisant le suicide que peux constituer le libre-échange absolu pour un pays. L’idéologie, voilà l’ennemi ! Cette lecture fera sans doute débat dans nos familles de pensée. Un pavé dans la mare à ne pas manquer !
- Jean-Louis Harouel, Droite-gauche : ce n’est pas fini, DDB, 200 p.