Ce que j’aime, chez Emmanuel Macron, c’est son vocabulaire suranné. Cela sent son enfant précoce qui fait un travail sur lui-même pour parler comme ses pairs, histoire de se faire admettre – « ceux qui foutent le bordel » -, mais qui parfois, sans y prendre garde, laisse remonter son champ lexical de Schtroumf à lunettes : on avait eu in petto, chicaya, galimatias et perlimpinpin, voici je vous fiche mon billet, le truchement et croquignolesque.
Ce que je déteste, chez Emmanuel Macron, c’est sa façon de se payer notre tête. « Dimanche soir, sur TF1, le Président a préféré rester dans le flou au sujet de l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes », résume Le Monde.
Oh la la, terrain miné, danger, allons-y sur la pointe des pieds. Son embarras est… croquignolesque. Il veut un débat « apaisé ». Entendez : qui lui fiche la paix. Par le truchement de sa poudre de perlimpinpin « complexité » – « vous me permettrez, sur des sujets complexes, de refuser le ni oui ni non » -, il pense pouvoir s’en tirer. Il est personnellement pour, mais il respectera l’ensemble des convictions. Et puis, bien sûr, la GPA… à Dieu ne plaise, surtout pas ! Il souhaite que « l’on ne puisse pas passer subrepticement de la PMA à la GPA ».
Mais il se dit « pour reconnaître des droits égaux à nos concitoyens ». Cela justifierait le fait que la PMA pour toutes soit légalisée…
…Sauf que nos concitoyens qui n’auront pas de père seront un peu moins égaux que les autres. Plutôt que de sonder évasivement sur le bien-fondé de la PMA « élargie », demandons donc aux Français si connaître l’identité de leur père leur semble VRAIMENT sans intérêt. Il y a, bien sûr, des Français qui l’ignorent et, Dieu merci, s’en sortent bien dans la vie. Il y en a aussi qui naissent manchots et sont malgré tout heureux. Mais aucun gouvernement n’aurait l’idée de scier froidement le bras d’un bébé. Et si c’était le cas, ce dernier serait légitimement fondé – tout le monde en conviendra – à se retourner contre l’État. Et il se trouve, justement, comme le rappelle fréquemment la juriste Aude Mirkovic, que connaître ses parents et être élevé par eux (dans la mesure du possible) est tout l’objet de l’article 7 de la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée dans le cadre de l’ONU en 1989, signée et ratifiée par la France en 1990.
…Sauf que si avoir un enfant est un droit justifié par le critère d’égalité, nos concitoyens gay seront de facto discriminés… à moins de légaliser aussi sec la GPA. « Subrepticement ».
Il se dit « très sensible au respect de la filiation, et c’est aussi pour cela [qu’il est] contre la gestation pour autrui ». Mais la PMA ne le chiffonne pas ? Seule la filiation maternelle serait donc un bien précieux à respecter quand son pendant paternel serait un détail que l’on pourrait, sans dommage, négliger ? C’est quoi ce galimatias ?
Il a aussi, affirme-t-il, « une conception de la dignité du corps de la femme »… mais que dire de la dignité de l’homme qui vendra son sperme ? Car, fatalement, on y viendra, les stocks – c’est désormais un fait connu – étant déjà trop réduits pour satisfaire les demandes aujourd’hui.
Le gamin surdoué n’est sûrement pas devenu un Président benêt se satisfaisant de raisonnements incohérents. Est-ce à dire qu’in petto, il nous mène consciemment en bateau ? L’ambiguïté, en tout cas, ne durera pas, il faudra bien trancher. Et ce jour-là, si d’aventure il faisait le choix de la facilité, je vous fiche mon billetque la protestation dans la rue pourrait bien dépasser le stade de la petite chicaya.
Gabrielle Cluzel – Boulevard Voltaire