Inutile de revenir sur le naufrage de l’école publique. Pour les parents nantis d’un ou de plusieurs cancres en déformation continue, la question est : comment compenser à la maison les méthodes progressistes désastreuses et tous ces shoots de pensée molle dans les cerveaux enfantins ?
Dans le Petit Nicolas, Sempé et Goscinny s’appuient sur leur propre expérience de pères (Nicolas est le prénom du premier fils de Sempé) et racontent une époque (la France des années 60) où, le soir, papa, en rentrant du bureau, s’effondrait dans son fauteuil pour lire son journal et siroter un whisky pendant que maman préparait le repas. Avec son directeur chauve et moustachu qui prédit aux cancres qu’ils finiront au bagne, ses maîtresses maternelles et ses classes socialement mixtes où le fils du PDG côtoie encore celui du boucher, l’école de Sempé et Goscinny nous apparaît d’autant plus rassurante qu’elle échappe, sous la plume moqueuse des auteurs, au soupçon d’incompétence qui est le nôtre aujourd’hui.
Au retour à la maison, le whisky n’est plus à l’ordre du jour, ni même un lait-fraise : « Tu as fait tes devoirs ? Qu’est-ce que ta maîtresse vous a appris aujourd’hui ? Non mais, c’est ça qu’elle vous fait lire en classe ? C’est qui, cette Henriette Bichonnier ? Nous, à ton âge, on lisait Molière, pas le Retour du monstre poilu… »
Cette méfiance des parents, Marc Le Bris, instituteur et directeur d’école de 1977 à 2011 à Médréac, en Ille-et-Vilaine, la fait remonter, pour sa part, à l’an 2000 : « Ce sont les grands-parents qui ont, les premiers, tiré la sonnette d’alarme, en découvrant avec stupeur que leurs petits-enfants ne savaient plus lire ni écrire correctement. » Ce don Quichotte de l’Education nationale nourrit depuis toujours une passion pour les anciens manuels scolaires. En les mettant au goût du jour, il a obtenu, plusieurs années de suite, les meilleurs résultats de Bretagne. « Il faut protéger les enfants des vices de l’école française, qui a la haine des bons élèves. » Pour Jean-Paul Brighelli, auteur en 2005 de la Fabrique du crétin, la mort programmée de l’école (Folio), les grands sacrifiés dans cette affaire sont, avant tout, les enfants du peuple qu’« on flatte en leur faisant croire qu’il existe une culture banlieue, une culture jeune ou je ne sais quelles fariboles alors qu’il faudrait donner dix fois plus de cours de français aux enfants déshérités, pour leur faire rattraper leur retard culturel ». Comme Marc Le Bris, Brighelli constate que les parents les plus méfiants sont les « insiders », ceux qui sont au courant du système : « Allez donc voir où les oligarques qui nous gouvernent inscrivent leurs enfants, eux qui prêchent l’égalité par l’égalitarisme ! »
Les « insiders » achètent de vieux manuels, font parfois classe eux-mêmes et se battent pour inscrire leurs enfants dans des filières qui ouvrent des perspectives à court ou long terme. Les autres, ceux qui n’y connaissent rien, font confiance aux maîtres. « Ça tient encore un peu, çà et là, au niveau du primaire, ou des classes prépa, estime Brighelli, mais ailleurs ça craque. » A une époque beaucoup plus dure et violente que la nôtre, mais où l’audace et l’esprit d’aventure étaient aussi, peut-être, plus développés, Montaigne, à sa naissance (en 1533), fut d’abord confié par son père à une nourrice paysanne qui l’éleva à la ferme, trois ans de suite. De retour au château, il lui fit apprendre le grec et le latin auprès d’un précepteur allemand. Pédagogie délirante pour notre modernité, qui vaudrait aux parents du jeune garçon d’être quasiment conduits en prison ! Mais qui, en cette époque, porta ses fruits et permit à Michel Eyquem de Montaigne de devenir maire de Bordeaux, conseiller du roi et, accessoirement, l’un de nos plus grands écrivains.
La crème des manuels recommandés par Jean-Paul Brighelli
Pour le primaire : excellents, les ouvrages de Catherine Huby, publiés par le Groupe de réflexion interdisciplinaire sur les programmes (Grip) dont la présidence est assurée par Jean-Pierre Demailly, mathématicien, membre de l’Académie des sciences. Ceux de Marc Le Bris, également, sont remarquables.
Pour le collège : les manuels de français de Véronique Marchais (Terre des lettres, Nathan).
Pour le lycée : vous ne trouverez que des nullités… Si vous voulez jouer la nostalgie, comparez les manuels de français de vos enfants avec ceux en usage dans les années 70 (Lagarde et Michard) ou 80 (le Darcos chez Hachette, le Henri Mitterand chez Nathan, le Biet-Brighelli-Rispail chez Magnard). Il ne vous reste qu’à les chercher sur des sites de soldes !
ASTROPHYSIQUE
Des guides pour comprendre les mystères de l’Univers
Si l’humanité ne s’est pas autopétrifiée d’ici là, l’exploration de l’Univers sera l’odyssée des prochains siècles. On sait que l’Univers se détend comme un gaz et que, par conséquent, plus on remonte dans le temps, plus il était concentré. Cette vision du cosmos a mis du temps pour être digérée et, aujourd’hui encore, l’école tend à imposer une vision fixiste d’un Univers éternel et immobile, tel que se le représentait Aristote. Avant de s’attaquer aux livres de vulgarisation d’Hubert Reeves, Stephen Hawking et Steven Weinberg, rien de tel que ces épatants petits livres écrits par Cécile Faure, docteur en astrophysique et experte en cosmologie, publiés par sa sœur aux éditions Caraban, à Bordeaux.
Premier titre disponible, dans la collection « Le Petit Planétarium » : Qu’est-ce que je vois dans le ciel ?, 24 p., 17 €. caraban-editions.com
LITTÉRATURE
Des livres audio pour les initier aux grands textes
Votre enfant reste planté devant son iPad et colle des posters de Kev Adams et de Louane dans sa chambre ? Normal. N’espérez pas lui faire lire la Chèvre de M. Seguin ou les Contes du chat perché. Mais vous pouvez lui offrir quelques livres audio. Rares sont les acteurs capables de nous faire entrer dans la vie des grands textes. Mais certains – Jean Topart, Daniel Mesguich, Sami Frey, Jacques Bonnaffé, Bernard-Pierre Donnadieu -, réussissent mystérieusement, de leur voix profonde, à donner à chaque syllabe une part de rêve et de vibration. Rien de tel pour captiver l’enfant et lui donner envie de lire par lui-même. Chez Gallimard, l’Odyssée d’Homère est ainsi lue par Clotilde de Bayser et Michel Vuillermoz de la Comédie-Française. Autre choix : les merveilleuses Histoires comme ça de Rudyard Kipling, génialement lues par Dominique Pinon.
L’Odyssée, à partir de 11 ans ; Histoires comme ça, de 8 à 12 ans, coll. «Ecouter lire», Gallimard Jeunesse, 23,40 € et 16,15 €.
GÉOGRAPHIE
Une carte en relief pour découvrir et aimer la France
« La France est-elle un être géographique ? » se demandait en 1903 Paul Vidal de La Blache (1845-1918) dans son monumental Tableau de la géographie de la France. Plus d’un siècle après, l’Europe se cherche une identité et la géographie n’est plus enseignée qu’à l’échelle mondiale. Toutefois, on est toujours de « quelque part » et c’est l’attachement à ce « quelque part » où l’on vit qui constitue, chez l’enfant, le seul point de départ possible pour l’amener à visualiser sa place dans le monde. De nombreux instituteurs ont recours, dès la classe de CE1, aux cartes en relief fabriquées artisanalement par Relief Editions, dans le Gers. A la fois précises et ludiques, elles permettent aux enfants de se situer, dans leur quartier, ville, région, pays, continent…
Carte de France thermoformée, GéoRelief, 42 x 42 cm, 23,95 €. georeflief.com
HISTOIRE
Des CD pour assimiler la chronologie
La chronologie étant désormais bannie de l’enseignement de l’histoire, les enfants s’intéressent de moins en moins à cette matière devenue rasoir. Publié en 1925, Histoire de France de Jacques Bainville (1879-1936) fut un immense succès d’édition de l’entre-deux-guerres. Avec un style limpide, l’historien démontrait que les siècles évanouis n’étaient pas si différents du nôtre… Ce bijou est réédité, avec le soutien de brillants historiens (comme Patrice Gueniffey). Les petits peuvent accéder à la version allégée, éditée en CD, avec des voix d’acteurs et des extraits de musique. De Vercingétorix à François Ier et d’Henri IV à Clemenceau, cette histoire, à la fois psychologique et politique, se déploie comme une grande fresque ponctuée de déchirures et de réconciliations. Faire lire Bainville à l’école est aujourd’hui impensable, la France n’étant plus considérée comme une «personne», susceptible de faire l’objet d’un récit ! Mais on peut s’en délecter à la maison, car, qu’on le veuille ou non, on ne peut naître et vivre dans un aussi vieux pays sans être un héritier. (Coffret Malet et Isaac- 4 volumes ou en Poche NDLR)
Petite histoire de France, vol. 1 et 2, France Production, 16,99 €, dès 7 ans. laprocure.com
GÉOMÉTRIE
Un casse-tête chinois pour exercer leur logique
Inventés en Chine au XVIe siècle, après qu’un empereur, selon la légende, eut brisé un vase en porcelaine en sept morceaux et eut vainement tenté de le reconstituer, les tangrams (« sept planches de la ruse ») sont des jeux, de type casse-tête, permettant aux enfants de développer leurs capacités d’observation, de déduction et de logique. Ils s’apparentent à des puzzles composés de sept polygones réguliers. Le but est d’utiliser toutes ces figures, sans les superposer, pour en créer une seule, semblable à un personnage, une lettre de l’alphabet, un objet réel ou imaginaire, un animal… On dénombre plus de 2 000 figures possibles. Einstein, enfant, dit-on, passait des heures à méditer sur son tangram…
Casse-tête tangram en bois, à partir de 3 ans, Nature et découvertes, 12,99 €. natureetdecouvertes.com
ORTHOGRAPHE
Chaque année, entre la Toussaint et Noël, des parents bien informés se ruent sur les ouvrages de la méthode Boscher, inventée au début du XXe siècle par un instituteur génial des Côtes-d’Armor, Mathurin Boscher. En un siècle, sa méthode syllabique s’est vendue à des millions d’exemplaires et elle demeure un phénomène d’édition (on la trouve à la Fnac et dans les grandes surfaces). A côté des ouvrages classiques proprement dits, on peut tester la « valisette » qui regroupe, outre la fameuse méthode, éditée en poche, 153 cartes et 16 jeux destinés à renforcer la mémoire visuelle de l’enfant et enrichir son vocabulaire.
Ma valisette Boscher, dès 5 ans, 11,95 €. collection-boscher.com
ÉDUCATION SEXUELLE
Des films pour apprendre à aimer
« La pudeur, c’est un sentiment délicat et nuancé, un sentiment très fin et très joli, le contraire de l’escartefiguerie », disait Raimu dans César, de Marcel Pagnol. Aux mères qui n’hésitent pas à mettre des préservatifs dans le cartable de leur petit garçon de 12 ans, comme aux adolescentes de 16 ans qui braillent dans la rue qu’elles “s’en battent les couilles”, on ne saurait trop conseiller la vision de Jeux interdits, de René Clément (1952), l’un des plus beaux films du cinéma français, qui raconte, face à la pornographie de la guerre, l’histoire d’amour entre une petite orpheline et un fils de paysan. Alors que notre époque exalte l’extériorisation des pulsions, la pudeur, elle, est la marque de l’intériorité et du jardin secret. C’est un sentiment spontané et naturel, très structurant, qui naît vers 6-7 ans et perdure au-delà de 17. Quelle violence faite aux enfants quand on les incite à une sexualisation précoce, quand on les pousse au narcissisme, à l’exhibitionnisme. Que de douleurs cachées, chez les plus délicats, à qui on fait honte d’avoir honte, et qu’on oblige à entrer dans la vie sexuelle comme dans une compétition !
– Jeux interdits, de René Clément (1952) Classics Studio Canal.
– La Belle et le Clochard, de Walt Disney (1955), Disney DVD
– Sueurs froides, d’Alfred Hitchcock (1958), Universal.
– Une journée particulière, d’Ettore Scola (1977), René Chateau.
– Un homme et une femme, de Claude Lelouch (1966), Warner Bros.
– Avanti !, de Billy Wilder (1972), Filmedia.
– Sur la route de Madison, de Clint Eastwood (1995), Warner Bros.
– Les Femmes du 6e étage, de Philippe Le Guay (2011), Warner Bros.
– Le Petit Poucet, de Michel Boisrond (1972), M6 Vidéo.
– Vacances romaines, de William Wyler (1955), Paramount.