Il paraît que la culture, c’est ce qu’il reste quand on a tout oublié. Mais depuis que Fleur Pellerin est arrivée au ministère éponyme, elle a su faire mentir l’adage jusqu’à faire preuve d’ignorance sur un certain nombre de généralités qui confinent pourtant à des vérités de La Palice. Car s’il va de soi que la pluie mouille, que le vainqueur remporte toujours la victoire ou que la mort est le dernier jour d’une vie, il ne fait pas non plus mystère que des intérêts privés peuvent toujours mettre en péril l’indépendance des rédactions. Mais la résidente de la rue de Valois semble le découvrir aujourd’hui et s’apprête à légiférer sur la question en promettant, ici et là, des lanceurs d’alerte, des clauses de déontologie ou encore une réforme des comités éthiques.
Il faut saluer la démarche car combien sont-ils, depuis des années, à dénoncer un journalisme devenu partial, à la solde d’actionnaires au fait de l’équation gramscienne selon laquelle le pouvoir politique se conquiert par le pouvoir culturel, soucieux de plaire au risque de se complaire? Pour s’en convaincre, sûrement suffit-il de regarder combien le traitement de l’information s’est contorsionné, depuis quelques années déjà, dans une idéologie libérale- libertaire admirablement homogène
Cette soudaine prise de conscience n’est pas à mettre au crédit d’une quelconque vertu se manifestant sur le tard. Car que n’a-t-on assisté, depuis trop longtemps déjà et sans que personne ne s’en offusque, à l’intervention régulière des grands maîtres financiers de la presse pour corriger le tir dès lors qu’un journaliste ou une rédaction s’autorisait la moindre prise de liberté. Mais tout cela c’était avant. Avant que Vincent Bolloré n’acquière la célèbre chaîne cryptée et décide d’y faire le ménage. Moins d’ailleurs par idéologie que par souci de briser cet entre-soi journalistique qui s’était spécialisé dans le ricanement et le mépris des plus simples, pour ne pas dire des plus pauvres. On comprendra dès lors qu’attaquer le veau d’or libéral-libertaire suscite quelques estocades.
C’est en réalité tout à l’honneur du ministre de la Culture que de vouloir rendre réellement la presse indépendante. Seulement personne n’est dupe. Car il y a fort à parier qu’il reviendra à Laurent Joffrin, Nicolas Demorand ou Edwy Plenel de revêtir les habits de lanceurs d’alerte. Car il y a fort à parier que les clauses de déontologie trouveront leurs fondements dans les lois Pleven, Gayssot et Taubira. Car il y a fort à parier que les comités éthiques ne s’armeront pas de penseurs libres comme Michel Onfray ou Alain Finkielkraut. Pour la plus grande satisfaction des financiers de la presse qui n’auront même plus besoin d’officier. Finalement on aimerait presque que Fleur Pellerin en reste aux conseils de François Hollande: aller au spectacle tous les soirs et dire «c’est beau, c’est bien.»