On les appelle Najat, Ségolène, Marine ou Nicolas, quand leur état civil ne permet pas d’utiliser plus simplement des acronymes: VGE, DSK, NKM… Ils ont été ou sont encore ministres, parfois même président de la République française, mais leurs prénoms résonnent comme des slogans plus forts que la bienséance ou les conventions. Ni Monsieur ni Madame, encore moins Monsieur ou Madame le ministre.
On hurle leurs prénoms dans les meetings américanisés, comme on les alpague dans la rue ou qu’on les interpelle dans les manchettes des journaux, si on ne les tutoie pas en ultime entorse à la retenue. Tout héritiers qu’ils se disent de Jules Ferry, de Jean Jaurès ou du Général, ces nouveaux hommes et femmes politiques émergent désormais sous forme de marque lyophilisée et rappellent, à qui voudrait s’en souvenir, les doux prénoms de Loana, Jean-Edouard ou encore Nabilla, qui surgirent lors de l’avènement de la télé-réalité.
Mais qu’on ne s’y trompe pas: ils adorent ça et ils en sont d’ailleurs les uniques responsables, pour ne pas dire coupables Najat, Ségolène, Marine et consorts. On est loin, ici, de personnages tout droit sortis des aventures du Petit Nicolas. Car ces prénoms de baptême se sont transformés, par quelque chose qui ne doit rien au sacrement, en enseignes qui empruntent moins au politique qu’au commercial. Et comme certains prénoms abondent dans le textile, l’alimentaire, l’industrie automobile ou même la gamelle des animaux de compagnie – Ariel, Alice, Félix, Francine, Mégane, Brice, André… -, les mêmes inondent désormais le monde politique.
On excusera ici les industriels cherchant à personnifier, à humaniser une marque, pour appâter au mieux le chaland. Mais que faut-il comprendre des politiques cherchant à se rendre plus humains qu’ils ne le sont de condition, au risque de se réifier en un vulgaire produit de consommation?
On pourrait en rire, mais ce travestissement personnel des décideurs révèle une vérité qui donne le vertige: la perte de la conception de la politique comme une violence nécessaire pour le bien commun, au profit d’une gestion de marque parfaitement intégrée dans le joyeux monde du divertissement.