Les habitants du village de Seelisberg dans le canton d’Uri ont fait échouer les plans des autorités qui souhaitaient transformer un hôtel abandonné en refuge pour une soixantaine de demandeurs d’asile. Elles n’ont pas dit leur dernier mot. Quand un village de 700 habitants se dresse contre son gouvernement. C’est en substance l’histoire qui s’est récemment déroulée à Seelisberg, bucolique bourgade du canton d’Uri en Suisse. Selon plusieurs médias locaux, les autorités de la région souhaitaient transformer l’inoccupé Löwen hôtel en centre d’accueil pour une soixantaine de réfugiés. Mais les résidents de ce village situé tout près de la légendaire prairie de Grütli, où la Suisse aurait été créée, ne l’entendaient pas ainsi. Ils se sont ligués derrière leur maire, Karl Huser-Huong, pour faire avorter le projet.
Dénonçant l’attitude des autorités du canton qui les auraient mis devant «le fait accompli», les habitants ont exprimé leur colère durant un meeting organisé début août. Le nombre de soixante migrants pour une commune de 700 habitants était considéré comme trop élevé par les locaux.
Barbara Bär, ministre des Affaires sociales d’Uri, a dû composer avec les insultes d’une foule réunissant la moitié du village. «Je n’avais jamais rencontré autant de haine», a-t-elle déclaré. Selon Le Matin, elle s’est retrouvée accusée d’avoir favorisé le projet à cause des liens que son mari entretiendrait avec une société impliquée dans l’affaire. Elle a déposé plainte.
Mais, malgré les efforts du gouvernement du canton, le projet a été officiellement mis au placard le 16 août. En tout cas pour le moment. Le gouvernement d’Uri souhaite dorénavant «restaurer la confiance» avec les habitants de Seelisberg avant de retourner à la table des négociations ; cette fois avec un médiateur externe. Dans un communiqué, les autorités affirment vouloir mener «des discussions constructives» afin de trouver une solution «par consentement mutuel» à la question de l’accueil des réfugiés et de leur nombre.
S’exprimant dans les colonnes du journal Le Temps, Karl Huser-Huong s’est défendu de refuser l’arrivée de réfugiés dans sa commune : «Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités et à accueillir des demandeurs d’asile», a-t-il affirmé. Mais il a ajouté : «Pas dans ces conditions. On nous a mis devant le fait accompli. Le canton devrait négocier avec la population.»
Cette affaire n’est pas une première en Suisse. Les Helvètes se sont engagés à accueillir un certain nombre de réfugiés répartis proportionnellement à la population des différents cantons. Celui d’Uri par exemple, l’un des moins peuplés, se doit de recevoir 0,5% du total des demandeurs d’asile.
A l’inverse, le canton de Zurich, très peuplé, est dans l’obligation d’accueillir 17% des réfugiés. Celui de la capitale, Berne, doit offrir l’hospitalité à 13,5% des migrants autorisés à se trouver en Suisse.
A l’instar de la loi sur le pourcentage de logements sociaux par commune en France, les villes récalcitrantes se voient condamnées à des amendes. Et, comme dans l’Hexagone, certaines préfèrent payer plutôt que respecter la loi.
C’est le cas d’Obwerwil-Lieli dans le canton d’Aargau. La municipalité a décidé de s’acquitter de plus de 267 000 euros au lieu d’accueillir neuf réfugiés. Une décision qui a beaucoup divisé au sein de la communauté. Selon Le Temps, le mois dernier, la ville a, en partie, fait machine arrière et a décidé de finalement ouvrir ses portes à cinq demandeurs d’asile.
Le 5 juin dernier, les Suisses étaient appelés aux urnes pour un référendum concernant l’accélération des procédures d’examen de demandes d’asile ainsi qu’une réduction de leur coût. Au grand dam de l’Union démocratique du centre, parti souverainiste et anti-immigration, près de 67% des Suisses ont voté «oui».