Un homme habillé d’un pantalon a été retrouvé dans une tombe datant de plus de 3 000 ans en Asie centrale. La conception de ce vêtement montre qu’il a été conçu pour l’équitation.
Le Bassin du Tarim est occupé par le désert du Taklamakan, en plein centre de l’Asie. La route de la soie, c’est-à-dire la voie terrestre d’exportation des produits chinois, passait par le Nord ou le Sud de ce désert. Peut-être est-ce pourquoi les pasteurs nomades et cavaliers qui peuplaient les steppes d’Asie centrale y ont fondé des royaumes dès la fin du IIe millénaire avant notre ère.
Le pantalon, une invention de cavaliers ? C’est ce que suggère le pantalon vieux de quelque 3 000 ans que vient de découvrir dans une tombe du bassin du Tarim, en Chine, une équipe de l’Institut archéologique allemand (à Berlin), de l’Institut archéologique de Tourfan (en Chine) et de l’Université Renmin de Chine (à Pékin), dirigée par Mayke Wagner et Xiao Li.
Le bassin du Tarim est l’une des régions les plus arides du globe, ce qui explique que les découvertes de momies bien conservées s’y succèdent. L’étude morphologique et génétique de ces individus suggère qu’ils descendent de populations issues de l’Ouest de l’Eurasie. Au Nord-Est du bassin se trouve l’oasis de Tourfan, où avant le Ier millénaire avant notre ère se développa la culture de Subeshi, probablement avant l’époque Scythe. La présence des Scythes, une population indo-européenne du premier millénaire avant notre ère, est en effet attestée au VIe siècle dans le massif de l’Altaï, qui jouxte le Tarim par le Nord.
Les nécropoles de la région ont déjà livré de nombreuses tombes contenant un matériel funéraire remarquable, notamment de par l’état de conservation des matériaux organiques. Ainsi, il y a deux ans, une équipe de l’Institut archéologique allemand avait découvert dans une tombe d’une nécropole de la région de Tourfan une prothèse de jambe en bois, sans doute l’une des plus vieilles du monde. De nombreux objets propres aux cavaliers accompagnent par ailleurs les morts de la région.
C’est dans ce contexte que la découverte d’un pantalon quasi intact dans une tombe de la nécropole de Yanghai, à 43 kilomètres de la ville moderne de Tourfan, vient confirmer ce que l’on pensait depuis longtemps : le pantalon a été une innovation dictée par les nécessités du cavalier. Sans la protection qu’il offre à l’entre-jambe, monter à cheval pendant des heures ne serait guère supportable.
Le vêtement en question habillait l’un des défunts de la tombe M21. Cet homme d’une quarantaine d’années a été couché sur le côté dans une chambre funéraire en bois, accompagné de 41 artefacts d’or, de bronze, de bois, de pierre, de coquillage, de laine et de cuir. Parmi eux, la présence d’une bride de cuir ornée de boutons de cuivre et dotée d’un mors de bois prouve qu’il s’agissait d’un cavalier. Une hache de guerre atteste que ce cavalier était aussi un guerrier. La datation de la laine du pantalon montre qu’elle a été récoltée et tissée entre 1056 et 940 avant notre ère.
Le pantalon est composé de trois pièces tissées : deux rectangles évasés vers le haut et un renfort pour l’entre-jambe. Tout indique qu’une même personne a tissé, assemblé et cousu ces trois éléments. Les deux rectangles ont d’abord été repliés en tuyaux, puis cousus pour former les jambes, et rattachés l’un à l’autre par devant et par derrière pour obtenir un pantalon sans l’entre-jambe. Le tailleur a ensuite disposé les deux jambes selon un angle de 60 degrés, ce qui lui a permis de coudre le renfort de l’entre-jambe sans être gêné par des plis. Une fois cousu, ce renfort se plisse lorsqu’on enfile le pantalon pour marcher, et il se déplie pour protéger l’entre-jambe dès que l’on enfourche un cheval.
Ce genre de vêtement était répandu dans la culture de Subeshi, comme l’atteste la découverte d’un second pantalon, moins bien conservé, dans la tombe M157, celle d’un autre cavalier-guerrier, cette fois équipé d’un arc et d’un carquois rempli de flèches.
Ces découvertes montrent que le pantalon – un vêtement qui couvre la jambe de la hanche jusqu’à la cheville – n’existe que depuis 3 000 ans environ. Avant cette invention des cavaliers de la steppe eurasiatique, les seuls vêtements connus couvrant les jambes étaient les jambières, telles celles en cuir que portait « l’homme des glaces» Ötzi il y a environ 4 600 ans. Probablement répandu chez les cavaliers nomades des steppes eurasiatiques dès les débuts du Ier millénaire avant notre ère, le pantalon est ensuite attesté à partir du VIe siècle avant notre ère chez les Scythes de l’Altaï et de la mer Noire, et chez les Prémongols (Xiongnu) et les Chinois. Le fait que les cultures de cavaliers nomades aient vraisemblablement contribué au fond indo-européen d’Europe expliquerait l’usage du pantalon (et du cheval) chez les Celtes puis les Germains, sans doute dès le VIIIe siècle avant notre ère. En tout cas, les archéologues sont frappés par la grande ressemblance entre les vêtements de laine tissée retrouvés dans les tourbières d’Europe du Nord et ceux du Bassin du Tarim.