Si ce n’est les albums de Tintin ou d’Astérix, je ne suis pas un fan inconditionnel de la bande dessinée, qui vient pourtant de nous épater avec le lancement d’une collection dédiée aux compagnons de la Libération déclinée en BD aux Éditions Grand Angle.
Voilà une riche idée d’un éditeur qui ne veut pas seulement amuser la galerie mais aussi « faire réfléchir ses lecteurs, leur ouvrir les yeux sur le monde et leur enseigner le passé pour mieux les aider à comprendre l’avenir ».
À tout seigneur tout honneur, pour cette première BD, c’est le général Leclerc qui ouvre les hostilités qu’il mena de main de maître, à la tête de la 2e DB, depuis le fort de Koufra, conquis sur les Italiens dans le désert de Libye jusqu’au nid d’aigle du Führer à Berchtesgaden, en Bavière. Celui qui n’était alors que le colonel Philippe Leclerc de Hauteclocque avait, en effet, galvanisé ses troupes dans le désert libyen par ces quelques mots, devenus le serment de Koufra : « Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Paris et de Strasbourg. »
Outre son caractère symbolique, la tenue matérielle du serment de Koufra aura connu également un aspect inattendu et pour le moins insolite, me confia l’un des adjoints de Leclerc, le général de Langlade, dans le film que j’ai tourné sur l’épopée de la 2e DB : « On avait prêté le serment de refaire flotter les couleurs françaises sur la cathédrale, mais on n’avait pas avec nous matériellement le drapeau du serment […] Dans la boutique d’un charcutier près de la cathédrale, le sergent Lebrun trouve de l’étoffe blanche et bleue mais impossible de trouver de l’étoffe rouge. Alors les spahis sont allés décrocher un drapeau hitlérien sur une maison voisine dont le tissu rouge servira à confectionner le drapeau du serment de Koufra qui sera hissé sur la cathédrale… »
Ils étaient 1.038, les compagnons de la Libération, au lendemain de la guerre. Ils ne sont plus que quatre, aujourd’hui. Quatre survivants de cette « armée des ombres » à qui les Éditions Grand Angle veulent rendre hommage à travers les albums de bande dessinée qui raconteront leur épopée : « Plus que de simples biographies, les albums de cette collection retracent les événements qui ont incité chacun de ces compagnons à s’engager pour la liberté. ».
Consacrées au général Leclerc et à Pierre Messmer – Messmer, certes, c’est un Lorrain -, les deux premières BD, qui viennent de paraître, seront suivies par celle dédiée à Jean Moulin. Mais quid de l’Alsacien Pierre Clostermann et de son Grand Cirque ? Clostermann, ce pilote de chasse hors du commun, avec 33 victoires homologuées sur son avion fétiche, le Tempest, rebaptisé le Grand Charles. Dans un prochain album, peut-être ? Clostermann, j’avais eu le privilège de le rencontrer longuement, pour France 3 Alsace, il y a quelques années, avant qu’il ne rejoigne à jamais le ciel de ses exploits. Compagnon de la Libération, proclamé à l’ordre du jour « premier chasseur de France » par le général de Gaulle, Pierre Clostermann en partagera le cheminement politique, au sein du RPF et des différents mouvements gaullistes. Réélu huit fois au Parlement, Pierre Clostermann démissionnera le jour de la mort du grand Charles, en me rappelant le mot de son ami, l’écrivain Romain Gary, pilote comme lui de la France libre : « Ce vieil homme est parti et avec lui il a emporté notre jeunesse… »
José Meidinger – Boulevard Voltaire