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Du livre publié par le Premier ministre quelques jours après son arrivée à Matignon, Le Figaro exhume quelques extraits dans lesquels l’auteur exprime son immense regret de ne pas avoir connu le charmant Médine plus tôt. « Une figure havraise… dont rétrospectivement j’ai honte de dire qu’à une certaine époque je n’avais pas entendu parler. » Cette pépite du bla-bla sur fond musical avait échappé à ce dénicheur de talents : « J’aurais dû le connaître », ajoute-t-il plein de contrition.
Être passé à côté d’un tel génie local fait désordre sur le CV d’Édouard Philippe. C’est son boulet, sa croix… Se le pardonnera-t-il ? Rien n’est moins sûr. Dans ces conditions, se prononcer en faveur d’une interdiction de Bataclan à ce même Médine serait fauter une seconde fois. Il ne le peut pas. Ses efforts d’encanaillement se verraient réduits à néant. Tricard chez les rappeurs, ennemi public de la racaille… Impensable. François Hollande avait son JoeyStarr, il aura sa mascotte lui aussi. Son grand frisson à domicile.
Et d’évoquer, dans ce même ouvrage, la lettre ouverte du géopolitologue Pascal Boniface dans laquelle il lui reprochait de ne pas avoir encore bombardé l’artiste barbu « citoyen d’honneur » du Havre. Phare entre les phares, clignotant de la pensée. En laissant entendre que cette fâcheuse omission était motivée par le fait que Médine était « issu des quartiers populaires, barbu et musulman », l’auteur de la missive a énormément contrarié Édouard. Ses tentatives pileuses pour arborer le look « radicalisé timide » était bien la preuve de sa bonne volonté. Prêt à incendier sa propre voiture s’il le fallait…
« Si j’évoque cette anecdote », écrit le repenti, « c’est qu’elle m’a conforté dans ma conviction du pouvoir des mots et des textes. »Balzac, Hugo, Baudelaire et toute la Pléiade n’étaient pas parvenus à déclencher l’étincelle. Léger retard à l’allumage. Un contrôle technique à l’Académie s’impose. « Non, le rap n’est pas fait uniquement d’appel à la haine et à la violence. » Nique la police, ta mère et tout ce qui bouge ne sont que des métaphores pleines d’amour…
Béat d’admiration sur le sujet, l’écrivain havrais conclut par cette sentence littéraire : « Le rap a marqué un formidable retour du texte travaillé et écrit dans la production musicale française. » Sur ce point, il faut laisser à Édouard Philippe l’entière responsabilité de la qualification de « production musicale » à un genre dénué de toute mélodie. Lui rappeler, également, que les rappeurs français sont la risée des rappeurs américains dont ils s’inspirent (plusieurs vidéos YouTube en attestent). À l’inverse, la mouvance « French touch », inaugurée par Daft Punk, connaît un succès international mais laisse l’énarque moyen de marbre. Aux exportateurs de musique française à travers le monde, il préfère le petit loubard du coin qui menace à mots à peine couverts de lui couper le cou. Dans une de ses dernières vociférations, Médine répète sans fin : « Tout ce que je voulais faire, c’était le Bataclan… » Plus ambigu, tu meurs.
Jany Leroy – Boulevard Voltaire