La secrétaire d’État, Marlène Schiappa s’est mise en scène sur Twitter dans le quartier de la Chapelle suite aux témoignages de femmes harcelées dans la rue. Fatiha BOUDJAHLAT dénonce ce qu’elle perçoit comme une imposture.
Fatiha Boudjahlat est cofondatrice avec Céline Pina du mouvement Viv(r)e la République. Elle est aussi l’auteur de l’essai à paraître fin octobre aux éditions du Cerf: Féminisme, tolérance, culture: Le grand détournement.
La secrétaire d’État Marlène Schiappa mise beaucoup sur une communication directe, confondant proximité et modernité avec la légèreté et l’addiction aux réseaux sociaux d’une adolescente. Mais ce faisant elle pose des actes qui donnent à voir sa conception du féminisme 2.0: Mme Schiappa vit son ministère et son féminisme comme une téléréalité, un filtre médiatique s’interposant entre elle et la réalité.
Le dernier épisode en date la met en scène sur Twitter déambulant dans le quartier de la Chapelle. Des femmes avaient témoigné du harcèlement de rue qu’elles subissaient de la part d’hommes occupant littéralement l’espace. On se souvient de la réponse de Catherine de Haas, suggérant d’élargir les trottoirs et d’améliorer l’éclairage. C’était une mauvaise réponse apportée à ce qui est devenu un problème de société, mais elle avait au moins le mérite de reconnaître la réalité de ce problème et donc de reconnaître la parole des femmes victimes.
M. Schiappa a apporté une réponse autrement plus dommageable à la cause des femmes:
-Tout d’abord, elle nie la réalité et l’ampleur du problème en prétendant y apporter une solution seule, par sa seule intervention. Cela me rappelle quand l’ancien maire de Nice, Jacques Peyrat, sollicité par des copropriétaires excédés par la présence de rongeurs dans les caves, s’était rendu lui-même sur les lieux avec une batte de baseball qu’il avait abattu sur les rats. C’est une conception sans doute jupitérienne de l’action politique, dans les faits il s’agit d’une hyperpersonnalisation du pouvoir. Tous les services de l’État sont court-circuités, à la fois donc délégitimés et exclus de la sensibilisation à ce fléau qu’est le harcèlement de rue.
-De là une arrogance dérangeante qui consiste à mesurer la validité de témoignages et donc la réalité de ce qui est dénoncé à l’aune de sa petite personne. Puisque rien ne lui est arrivé, c’est donc qu’il s’agit d’un quartier sûr pour les femmes et que ces dernières ont fourni un témoignage inexact. Mme Schiappa n’use donc pas des moyens que l’État met à sa disposition, elle poursuit l’action militante de type associatif avec un testing. En condition réelle? C’est moins sûr…
-Elle invalide les propos des femmes qui ont témoigné. Que cherchait à prouver Marlène Schiappa? Que ces femmes s’étaient trompées ou qu’elles mentaient? Voici donc la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes qui se met en scène pour invalider le témoignage des femmes et montrer qu’elles ont tort, alors même que l’un des enjeux de son action consiste à faciliter la parole des victimes et leurs dépôts de plainte, à inciter les services de police et de justice à mieux prendre en compte cette parole. Son mini testing était ostensiblement dirigé contre ces femmes ayant eu le courage de braver l’accusation de racisme ou d’islamophobie. C’est un acte contre les femmes, contre le féminisme et contre la parole des victimes. Une réponse sur Twitter rend compte du dégât du testing de M. Schiappa. Un certain «Momo de gauche» félicite la ministre pour son rendez-vous en terre inconnue ajoutant que tant que les femmes respectaient dans leur tenue ‘les bonnes mœurs‘, elles pouvaient circuler librement. En effet, puisque la secrétaire d’État a pu arpenter le quartier de la Chapelle sans encombre, c’est que les femmes qui ont témoigné ont menti, ou bien qu’elles portent seules la responsabilité du harcèlement subi, par leur tenue ou leur attitude.
Les photos de l’exploit nocturne de Mme Schiappa ont rapidement été retirées du compte Twitter, ses services évoquant un «bug communicationnel». Ce gouvernement assure son action politique par une surexposition sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas un bug, c’est la sortie de route d’une secrétaire d’État qui n’est pas dans la posture ministérielle. Une secrétaire d’État dogmatique qui prétend dire la réalité d’un problème alors même que son féminisme est à géométrie variable, pris dans le piège des accommodements culturalistes. Marlène Schiappa hypercommunique et accumule les bévues, elle vient encore de donner quitus à ceux qui nient la réalité du harcèlement de rue, alors même que le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à faire de la lutte contre ce fléau une priorité de son action en faveur de l’égalité femme-homme: Il écrivait ainsi dans un courrier adressé au CNIDFF: «Je créerai une police de sécurité quotidienne qui contribuera à lutter contre les harcèlements quotidiens dans la rue ou les transports. 10000 nouveaux effectifs seront déployés dans nos rues, notamment à cette fin.» Nul besoin d’effectifs supplémentaires, il suffit d’envoyer Marlène Schiappa!