♦ L’effondrement électoral des droites, parlementaire comme nationale, vient aussi d’un problème musical. La musique joue un rôle très particulier dans le fonctionnement des sociétés : c’est elle qui entretient l’harmonie entre les individus et les communautés. C’est la raison pour laquelle la culture est une chasse gardée de la gauche, si l’on peut encore parler de droite et de gauche, autrement dit des partisans de la révolution, des Lumières et du mondialisme.
Depuis des décennies, l’abandon de la culture – et tout spécialement de la musique – à la gauche explique aussi l’incapacité de ses opposants. La gauche, les mondialistes donnent le ton.
Un exemple récent : le groupe de RIF (rock identitaire français) In Memoriam avait annoncé un concert dans le Libournais ; le site privé était verrouillé. Malgré toutes les précautions habituelles, la mairie a fini par le localiser et pris un arrêté d’interdiction, idem pour la mairie du lieu de remplacement, toujours pour de bien pratiques « risques de troubles à l’ordre public ». Le concert a finalement eu lieu dans un bar du centre ville de Bordeaux trouvé à la dernière minute. Sans incident, les antifas n’avaient pas eu le temps de mobiliser. Deux maires et une brigade de gendarmerie, pour 250 amateurs de RIF, la République ne lésine pas sur les moyens quand il s’agit de musique dissidente. Elle était déjà à l’œuvre en 1996 et 1998 quand ces musiciens et d’autres groupes de RIF étaient invités par le FN aux BBR. Une des rares fois où un parti politique « de droite » s’était intéressé aux musiques actuelles. C’est aussi aux législatives de 1997 que le FN a comptabilisé son meilleur score.
Ce n’est pas faute d’ignorer la musique puisque le CLIC, organe culturel du FN, fait l’éloge de Boulez, grand chef d’orchestre, mais véritable imposteur musical. C’est d’ailleurs Pompidou qui est à l’origine de l’IRCAM (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique) installé dans les sous-sols du centre Beaubourg. Ce président de la République, ancien directeur de la banque Rothschild et pas spécialement classé à gauche, est pourtant à l’origine du plus révolutionnaire des projets « musicaux ». Une preuve de sa nuisance : bien qu’aucune musique audible n’en soit jamais sortie, cet institut continue d’être abreuvé de subventions.
Le mal est profond car ceux qui combattent la mondialisation écoutent sans discernement les musiques des troupes d’occupation culturelles, celles qui ont envahi les lieux publics et les centres commerciaux. Les organisateurs des grandes manifs contre l’avortement se croient obligés de le faire au son de la techno, alors qu’il disposent de musiques bien plus séduisantes et enracinées. Les choix culturels ne sont pas anecdotiques : alimentation, vêtements et surtout musique, ils induisent des comportements, donc des choix économiques et des modèles de société. Porte-avions de la mondialisation, les compositions anglo-saxonnes continuent de séduire des générations de jeunes Européens. Ce n’est pas avec elles qu’il sera possible de défendre ni même de reconstruire une identité culturelle, ni en France ni en Europe, la Russie l’a déjà compris. Remettre cette question après une éventuelle prise du pouvoir ne peut qu’accentuer la spirale de l’échec.
La musique est particulière, car c’est le seul art inaccessible à la subversion, c’est-à-dire qu’il est impossible de s’affranchir des règles de l’harmonie pour composer. Il est donc impossible de faire entendre des « musiques » qui ne les respecteraient pas, raison pour laquelle personne ne diffuse des musiques contemporaines (atonales, dodécaphoniques ou autres) dans les lieux publics. Cette caractéristique est un formidable atout qui, au lieu d’être ignoré, devrait être mis à profit pour reconsidérer l’outil musical.
La démarche, qui n’est pas simple, doit aussi passer par une réappropriation de la pratique musicale. Traduisant un mode de vie, les consommateurs écoutent essentiellement des musiques mortes, c’est-à-dire enregistrées, dans une sorte d’onanisme culturel mortifère. L’enregistrement a ouvert sur la musique de consommation, la musique des masses. Il faut revenir à une dimension humaine en appliquant le principe de subsidiarité, l’idéal étant que la musique soit jouée par des musiciens issus des communautés qui les écoutent. L’objectif n’est pas inaccessible car le dernier modèle a été les kiosques à musique de la Belle Epoque ; ils ont été capables de reconstruire le répertoire collectif français mis à mal par les révolutionnaires de 1789. Même si la Grande Guerre et l’enregistrement du son l’ont rapidement démantelé.
La musique est l’outil de communication collectif qui rassemble les populations sur des repères, parfois ancestraux, mais toujours réactualisés. L’Europe a chanté d’une seule voix jusqu’à Luther ; la seule écriture musicale de l’histoire de l’humanité a été conçue par des moines à partir du chant grégorien et la musique européenne continue de séduire les populations de tous les continents.
Pourtant les répertoires musicaux européens sont en passe d’être submergés par les musiques mondialisées. Utilisées pour accélérer le processus, les populations migrantes originaires d’Afrique et d’Orient adoptent des modèles musicaux planétaires. Le genre musical le plus vendu en France est le rap ; il indique ce qu’écouteront et ce que seront les populations françaises de demain. Il est donc illusoire d’espérer atteindre le pouvoir si l’on n’a pas redéfini au préalable l’identité musicale que l’on veut promouvoir. Contrairement à l’exemple soviétique, il n’est pas question de faire des listes, mais de soutenir les créations musicales opposées, consciemment ou non, à la mondialisation. Il faut promouvoir des musiciens engagés pour le réenracinement et la démondialisation.
Thierry Bouzard – Polémia