Deux critiques d’art, l’un italien, l’autre français, mettent en doute l’authenticité d’un tiers des toiles du maître exposées au Palazzo Ducale.
La manifestation s’est ouverte au Palazzo Ducale de Gênes, le 16 mars, dans un grand enthousiasme. La Repubblica a parlé de « Modigliani Show », tandis que La Stampa saluait l’enfant du pays devenu un génie à Paris, le « peintre livournais qui s’était fait aimer par le beau monde » – en réalité, Amedeo Modigliani, mort à 35 ans, dans la misère, en 1920, n’a connu de son vivant qu’une reconnaissance limitée. Des œuvres venues des plus grands musées, d’Anvers à Paris (Musée Picasso, Beaubourg, l’Orangerie), avaient été prêtées. Bref, l’exposition, qui dure jusqu’au 16 juillet, avait fière allure.
Pourtant, depuis plusieurs semaines, le milieu de l’art italien est agité par une violente polémique, qui a provoqué l’ouverture d’une enquête par le procureur de Gênes. L’affaire a été révélée en mai par le critique d’art Carlo Pepi. Sur sa page Facebook, il met en doute l’authenticité de plusieurs œuvres exposées. En Italie, Pepi n’est pas n’importe qui : ce collectionneur autodidacte s’est fait connaître en 1984 dans une affaire passée à la postérité sous le nom du « canular de Livourne ».
Pour les 100 ans de la naissance du maître, la mairie de Livourne avait tenté de vérifier une légende : celle qui veut que l’artiste ait jeté plusieurs sculptures dans le Fosso Reale du port de la ville. En draguant le fond du canal, les agents ont trouvé trois têtes sculptées, aussitôt attribuées à Modigliani. Carlo Pepi fait part de ses doutes et, quelques jours plus tard, trois étudiants révèlent qu’ils ont réalisé une des œuvres, avant qu’un artiste local annonce être l’auteur des deux autres… Ce scandale coûte leur place au surintendant de la Galerie d’art moderne de Rome et à la conservatrice des musées de la ville de Livourne.