L’ancienne DRH du groupe Danone et de Dassault Systèmes est nommée à un poste qui sera particulièrement exposé, avec les discussions autour de la loi travail 2 attendues dès cet été.
Muriel Pénicaud, 62 ans, a navigué toute sa carrière entre les plus hautes fonctions de l’État et les entreprises du CAC 40. D’abord conseillère de Martine Aubry au ministère du Travail, de 1991 à 1993, elle figure depuis 2008 parmi les membres représentant le ministère du Travail au Haut Conseil du dialogue social.
Après avoir exercé des fonctions dirigeantes à Danone dans les années 1990, elle rejoint Dassault systèmes en 2002, comme directrice générale adjointe en charge des ressources humaines. Elle ne quitte pas pour autant l’action publique, puisque Gérard Larcher, ministre délégué au Travail du gouvernement de Villepin, la nomme en 2006 présidente de l’école des inspecteurs et contrôleurs du travail. Pour la première fois, une représentante du patronat dirige l’institution, ce qui émousse à l’époque les syndicats d’inspecteurs, qui y voient une nouvelle tentative de « recadrer » le métier d’inspecteur.
Mise en place du « lean management » chez Danone
En 2008, elle retourne au groupe Danone, comme DRH. « C’était quelqu’un de pragmatique, plutôt à l’écoute. Nous avions un dialogue facile avec elle », raconte Michel Coudougnes, coordonnateur pour Danone de la SNIAA CFE-CGC, le syndicat des cadres. Le discours est moins élogieux du côté des salariés de production : « C’est avec elle qu’a vraiment commencé le déploiement du “lean management” [la chasse aux temps morts] qui vise à accroître les marges au détriment de l’emploi et des conditions de travail », juge Diane Grandchamp, qui suit le dossier Danone pour la CGT.
En 2013, malgré un bénéfice net de 1,8 milliard d’euros l’année précédente, Danone supprime 900 postes à l’échelle européenne, dont 236 en France dans le cadre d’un plan de départ volontaire. Le plan vise en particulier les cadres, à l’image de ce qui se pratique dans d’autres groupes cotés en bourse, il faut « aplatir » la chaîne de management. A contrario, le contrôle s’accroît sur les chaînes de production. « Cela a eu des conséquences désastreuses sur les conditions de travail », estime Diane Grandchamp.
Danone met en avant des pratiques managériales « novatrices » et Muriel Pénicaud s’engage sur le credo de la « responsabilité sociale des entreprises ». « En pratique, ils font en sorte que les salariés intègrent les stratégies patronales », réfute Diane Grandchamp.
Et là encore, Muriel Penicaud conjugue ses activités dans le privé avec des piges dans l’administration. Elle participe à la rédaction d’un rapport sur la prévention des risques psychosociaux pour le gouvernement Fillon.
Négociatrice issue du monde patronal
Sa carrière de DRH l’a donc aguerri dans l’art de la négociation. Elle en aura besoin pour conduire la réforme du Code du travail promise, par ordonnances, dès cet été. Toutes les centrales syndicales ont adressé ses derniers jours au nouveau président Emmanuel Macron un avertissement sur la méthode, appelant au respect du « dialogue social ». La nouvelle ministre est donc attendue de pied ferme sur ce point.
Mais sa nomination a surtout rassuré le patronat, dont elle est issue. En parallèle de ses fonctions au directoire de Danone et Thales, elle a en effet siégé au conseil d’administration d’Orange, de la SNCF ou encore d’Aéroport de Paris. Elle a pris en 2015 la direction de Business France, une agence publique de promotion des entreprises françaises à l’étranger. Un poste qui l’expose auprès du monde politique et, en particulier, du ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron.
« Son ouverture d’esprit est reconnue et [s]a compétence fait autorité », a applaudi mercredi le Club des entrepreneurs, qui défend les indépendants. Cette nomination « est une excellente nouvelle pour le dialogue social ! Bravo et tous mes vœux de réussite ! », a également salué Laurence Parisot, ex-patronne du Medef, sur Twitter.
La CGT Travail et emploi, qui fédère les personnels du ministère du Travail, s’indigne en revanche de cette nomination : « Sous couvert de faire appel à des personnalités de la “société civile”, Macron offre sur un plateau le ministère du Travail aux milieux patronaux, qui vont pouvoir directement rédiger la loi travail 2 et les ordonnances de casse du Code du travail », écrit le syndicat dans un communiqué.
Le décor est planté.