Le 18 mai 2013 le président de la République promulguait la loi Taubira, au lendemain de sa validation par le Conseil constitutionnel. Le 29 mai, le premier mariage gay était célébré en grande pompe à Montpellier. Trois ans plus tard où en est-on ?
Selon l’Insee, le nombre des mariages célébrés aurait fortement chuté sur une période récente passant de 7 367 en 2013, à 10 522 l’année suivante puis à environ 8 000 en 2015. Dans l’opinion publique, il semble que le prétendu « mariage pour tous » soit passé dans les mœurs ou tout du moins qu’une large part de ceux qui étaient en désaccord avec cette réforme sociétale aient opté pour la résignation. Faute de perspective réelle.
En novembre 2014, 68% des Français se disaient favorables au mariage homosexuel et 53% à l’adoption par les couples de même sexe. Une évolution que Jérôme Fourquet, de l’Ifop, commentait en ces termes : «Quand le sujet revient au cœur de l’actualité l’électorat un peu mou et hésitant rebascule en effet dans l’opposition mais une fois que c’est voté et que la bataille est finie cet électorat flottant se rallie à la majorité et à la légalité.» Il est probable que, depuis lors, les chiffres n’ont pas changé.
(…) Au fond, le sondage commandé à l’Ifop à l’automne 2015, par Virginie Tellenne pour le collectif l’Avenir pour tous, n’était pas si loin de ce que je pense être l’état réel de l’opinion, lorsqu’elle échappe à la surenchère médiatique : 46% des personnes interrogées se disaient favorables au maintien tel quel de la loi, 32% souhaitaient sa réécriture vers un statut d’union civile sans filiation, 22% se prononçaient pour une abrogation pure et simple.
(…) Je n’exclus donc pas l’hypothèse d’un revirement à venir des opinions publiques, exaspérées par les excès même d’une marchandisation du vivant, au détriment des enfants à naître. Et, pour ce qui est des couples gay, d’un retour de fait à ce à quoi on aurait dû s’en tenir : le contrat d’union civile, fût-ce sous le vocable maintenu de mariage. Ce retournement est-il imaginable à l’horizon de la présidentielle de 2017 ? C’est fort peu probable. Pour la raison même que je viens d’évoquer et qui suppose que nous fassions collectivement l’expérience des impasses éthiques dans lesquelles nous sommes engagés, au regard des progrès de la science, lorsqu’il font l’objet d’une application purement mercantile dans le domaine de la reproduction humaine. La prise de conscience prendra du temps, mais elle viendra !
Par ailleurs, il est peu probable que cette question d’une abrogation ou d’une réécriture de la loi Taubira soit portée par les candidats à la présidentielle. Sûrement pas à gauche où un tel reniement est tout simplement impensable. Sans doute pas davantage à droite où aucun des candidats à ce jour en mesure de l’emporter ne s’est prononcé en ce sens, hormis Marine le Pen qui conforte là une forme de légitimité-séduction auprès d’une frange de l’électorat catholique. Et je puis comprendre la désespérance de l’Avenir pour tous qui continue, sur cette ligne de crête, à mener un combat mobilisateur courageux mais solitaire.
Trois ans après la promulgation de la loi instituant le « mariage pour tous », c’est donc le statu quo qui semble prévaloir. Sur fond de ressentiment et de désir de reconquête de la part d’une jeune génération de militants politiques et intellectuels issus des rangs de LMPT. Plus que le retour sur la loi elle-même, sans doute est-ce aujourd’hui le combat pour contenir les dérives du droit-à-l’enfant, aussi bien pour les couples homosexuels qu’hétérosexuels, qui a le plus de chances de trouver un soutien trans-partisan parmi les citoyens de ce pays et de convaincre les candidats à la présidentielle de la plus grande prudence programmatique.