Tribune libre de Jacques Garello*
Sous Hollande, le libéralisme se portera mieux que jamais.
C’est ce qui m’est venu à l’idée lorsque Mathieu Laine, qui a dirigé les travaux réunis dans « Le dictionnaire du libéralisme », m’a demandé de traiter de ce sujet : « Le Libéralisme sous Hollande ». Mercredi soir 9 mai, dans une des salles de l’Assemblée Nationale, pleine à craquer, une centaine de libéraux avait répondu à l’appel d’Euro 92. Visiblement, la défaite de Nicolas Sarkozy n’avait pas plongé l’assistance dans la torpeur ou le désespoir. Les gens étaient là pour se réconforter mutuellement, mais surtout pour savoir ce qui allait se produire, et ce qui allait se faire.
Du côté de Hollande, point de doute : les réalités vont anéantir les utopies, dissoudre les promesses électorales dans la potion mondialiste. Le choix est entre ruine et crise immédiates ou politique du chien crevé au fil de l’eau.
Et du côté du libéralisme ?
La qualité de senior m’a valu de vivre intensément l’âge d’or du libéralisme français. Je ne parle pas du 19ème siècle, du succès de Bastiat et de la signature du traité de commerce franco-anglais qui ouvraient une période de soixante ans de libre échange et de prospérité généralisée.
Je parle de l’ère Mitterrand, et des suites immédiates du 10 mai 1981. Jamais les idées de la liberté n’ont eu autant de succès qu’après l’effondrement total d’une droite dirigiste et socialisante (« Ne dites pas aux français que je suis socialiste, ils me croient libéral » a déclaré VGE une semaine avant sa défaite). Il est vrai que le libéralisme pouvait surfer sur la vague Thatcher-Reagan. Mais les conditions ne sont-elles pas comparables aujourd’hui ? Contrairement à une opinion très répandue, la mode intellectuelle dominante aujourd’hui n’est pas au socialisme, et la grande majorité des dirigeants des pays européens ont été élus contre des socialistes. Le pays naguère le plus socialiste d’Europe, la Suède, est aujourd’hui parmi les plus libéraux, sa croissance est bonne et il a un excédent budgétaire. Partout ceux qui ont réussi avaient réduit la place de l’Etat dans l’économie et dans la société.
Evidemment, nous pourrions attendre patiemment notre tour, et le succès du libéralisme sous Hollande consisterait à compter les buts marqués par les socialistes contre le camp de la France. Mais chaque but représente des misères, des injustices. Si le sens de l’histoire est celui de la faillite du socialisme, il nous faut, comme le disait Marx « accélérer le sens de l’histoire”.
Comme en 1981, la droite aura du mal à survivre, même si elle remporte les législatives. L’UMP éclatera sans doute, faute de n’avoir plus ni président ni majorité. Elle ne tenait que par les seules perspectives électorales, ayant renoncé depuis bien longtemps à avoir la moindre doctrine, s’abandonnant à la pensée unique, étatiste, keynésienne et corrompue.
Dans ce contexte de dérobade de la gauche et de débandade de la droite, la « nouvelle offre politique » sera accueillie avec curiosité, puis avec intérêt, puis avec espoir. C’est ce que j’ai vécu de 1981 à 1986, date à laquelle les libéraux venus au pouvoir avec Chirac – qui n’a été libéral que le temps d’un discours – vont renier leur engagement, et ruiner pour quelques années les chances du libéralisme. Le scénario s’est reproduit en 1995.
Donc les socialistes au pouvoir, c’est bon pour le business libéral. A condition que l’on ne s’en remette pas à la seule classe politique pour couronner le travail, car « le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument » disait lord Acton.
Le travail des libéraux au cours de ces prochains moins va consister à communiquer, à proposer, à s’organiser.
Communiquer : il faut briser le cercle de l’ignorance qui emprisonne l’opinion publique, avoir une pédagogie active qui ne consiste pas seulement à dénoncer les erreurs socialistes – tout le monde les connaît ou les connaîtra – mais aussi à expliquer comment fonctionne un pays où l’on se passe de l’Etat pour faire régler les problèmes par les procédures marchandes ou communautaires : comment le courrier est mieux distribué par des postes privée, comment les chemins de fer circulent sur des voies fiables quand elles sont gérées par une compagnie privée, comment les écoles privées répondent aux vœux des familles Entre autres, la Nouvelle Lettre et le nouveau site www.libress.org lancé cette semaine contribueront à cette pédagogie active.
Proposer : choisir des cibles concrètes, celles que nul n’a su atteindre jusqu’à présent, faute d’accepter les solutions libérales : le système de retraites et de santé, l’école, la mobilité du travail, la progressivité de l’impôt, le logement. Sur ces questions le feu couve depuis longtemps, et l’explosion est proche : nous montrerons comment désamorcer ces bombes
Organiser : les libéraux de la société civile ont pris depuis longtemps la bonne habitude de travailler ensemble : ALEPS, IREF, Contribuables Associés, Euro 92, Institut Turgot, Liberté Chérie sont déjà en étroite collaboration, chacun gardant la spécificité de ses objectifs et de ses moyens. Contrairement à ce qui a été dit, je ne crois pas que la création d’un nouveau parti libéral à partir des dépouilles de l’UMP soit une bonne solution : le libéralisme ne peut être un « courant » de la nouvelle opposition. Ce n’est pas d’un parti, ni de la classe politique actuelle que sortiront le programme et les hommes du libéralisme à venir. Il nous faut remettre en marche des réseaux où se mêlent société civile et classe politique, pour éviter l’isolement et les dérives des élus, pour intéresser à la chose publique des milliers de Français qui ne veulent pas pour l’instant s’engager en politique. Cette symbiose avait été parfaitement réussie avec Idées Action, un club malencontreusement dissout par son fondateur Alain Madelin, et que j’ai vainement essayé de faire revivre avec Génération Libérale.
J’espère qu’une organisation embryonnaire pourra être discutée, sinon amorcée, à l’occasion de notre Université d’Eté, dont tout le mode, mercredi, a retenu les dates : 26 au 29 août.
Vous le voyez : le libéralisme va renaître de ses cendres, l’espoir aussi. « N’ayez pas peur ».
*Jacques Garello est un économiste libéral français, professeur émérite à l’Université Paul Cézanne Aix-Marseille III. Il est fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978 et président de l’Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) depuis 1982. Il est également membre du Conseil d’administration de l’Institut de Recherches Economiques et Fiscales (IREF).
> Cet article est publié en partenariat avec l’ALEPS.
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