Vous êtes plutôt cuir, herbe coupée ou figuier? Ces senteurs ne sont pas destinées à imprégner votre peau mais tout simplement à flotter dans l’air de vos locaux, bureaux voire résidences. Du moins si vous faites appel à quelques-uns des rares spécialistes de ce secteur pointu. Mikaël Pigatto en est un, puisqu’il a cofondé La Guilde, une agence de marketing olfactif dont la vocation est de parfumer l’air de n’importe quel type de locaux, de la petite surface à l’immeuble complet.
Ne lui parlez surtout pas de produit synthétique, de spray, ni même de diffusion liquide. Son créneau à lui, c’est la diffusion sèche de parfums purs élaborés à Grasse. Les jus liquides imprègnent des plaques qui peuvent ensuite être installées dans des petits appareils de diffusion pour les espaces restreints ou directement dans un centre de traitement d’air (la ventilation centralisée) si on veut parfumer plusieurs milliers de mètres carrés. «L’air ne fait que transporter des molécules olfactives, ce procédé ne laisse aucune trace, n’émet pas de Composés organiques volatils (COV) et n’altère en rien la qualité de l’air», explique Mikaël Pigatto.
Des parfums discrets en Europe
L’hôtellerie de luxe se préoccupe depuis longtemps de faire flotter dans l’air des parfums adaptés à son univers: senteurs de savon et d’assouplissant censées évoquer la propreté, la douceur, l’onctuosité ou l’accueil. Quant aux casinos américains, ils n’hésitent pas à diffuser régulièrement de l’oxygène pur qui euphorise les joueurs avant de créer une légère sensation de manque quand cela s’arrête. Cette phase de «décompression» est accompagnée de parfums agréables avant de repartir pour un coup d’oxygène… Pas sûr que ces techniques de manipulation soit très appréciées en Europe.
«Les parfums doivent rester discrets en Europe, précise Mikaël Pigatto. Pour un même espace, nous y employons des quantités de parfums deux fois moins importantes qu’aux Émirats arabes unis.» Après avoir créé une ambiance lounge-club avec des notes de cuir et de fumée pour des bureaux de la société Heinz ou fait régner des fragrances d’herbe coupée dans des cinémas UGC, la société propose ses services à des promoteurs. Elle intervient notamment dans la tour Opus 12, à la Défense, où il reste des bureaux à commercialiser et où les odeurs du vaste restaurant d’entreprise sont un peu trop présentes. Et pour appâter d’éventuels clients pour des bureaux dans les anciens locaux du Virgin Mégastore des Champs-Élysées, La Guilde a créé un cocktail de thé vert et d’herbe coupée qui doit raconter l’histoire des lieux et coller à la déco tout en faisant penser à l’agréable patio dont pourront profiter les occupants.
Prêt-à-sentir ou haute couture
«Diffuser du parfum dans un immeuble, c’est comme mettre un beau nœud sur un paquet cadeau, résume Mikaël Pigatto. Il s’agit de faire plaisir quand on ouvre le cadeau.» Mieux vaut quand même faire régner un parfum de bonnes affaires et générer des ventes, car le procédé reste coûteux: compter une centaine d’euros par mois de plaques parfumées pour 500 m². Les clients peuvent opter pour le prêt-à-porter, ou plutôt prêt-à-sentir, une collection d’une douzaine de fragrances qui varient selon les saisons: en ce moment «terre humide», «bois brûlé», «chlorophylle» ou «sweet amber» et «citrus». Quant à la haute couture, c’est la «signature olfactive», un parfum créé sur mesure selon l’histoire, l’atmosphère, les sensations que souhaite évoquer le client.