Le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci est l’occasion de célébrer, au Domaine de Chantilly, le génie de cet artiste en présentant une exposition inédite, dédiée à l’une de ses œuvres phares, quoique méconnue et énigmatique : la Joconde nue. Le musée Condé de Chantilly conserve la plus célèbre représentation de la Monna Vanna, mieux connue sous le nom de Joconde nue, un carton de grande taille (quasiment celle de la Joconde du Louvre) qui n’en finit plus d’interroger. Grâce à des prêts internationaux très ambitieux, l’exposition de l’été 2019 tentera de percer une partie du mystère de cette véritable icône.
La naissance d’un genre : autour de Simonetta Vespucci
La Joconde nue “inventée” par Léonard de Vinci correspond à des recherches en germe dans les milieux néo-platoniciens de la Florence des années 1480 que le maître avait connus. En témoignent les portraits de Simonetta Vespucci, beauté fatale prématurément décédée qui fut l’objet de l’amour platonique de Julien de Médicis. Botticelli et Piero di Cosimo la représentèrent nue et donnèrent naissance à un sujet pictural à part entière, aux sens multiples et à la croisée des genres. Pour ces artistes, et parallèlement ceux de Venise (on admirera notamment le fameux Portrait de femme de Bartolomeo Veneto conservé au Städel Museum de Francfort), le portrait féminin dénudé devint l’archétype de la beauté universelle.
Léonard de Vinci et la Joconde nue
Le cœur de l’exposition sera consacré au prestigieux carton de Chantilly représentant la Joconde nue, acquis par le duc d’Aumale en 1862. Conçu sur le schéma de la Joconde, ce chef-d’œuvre était le support d’un jeu entre les genres picturaux et d’une polysémie digne de l’esprit fécond de Léonard de Vinci. Le maître italien perfectionna longuement son œuvre.
Les analyses de laboratoire ont permis de montrer que le dessin de Chantilly servit de poncif (permettant de reporter la composition) pour des tableaux créés sans doute au sein de son atelier. Pour la première fois, ils seront exceptionnellement réunis.
Nombre des élèves et suiveurs de Léonard reprirent sa composition, s’en inspirèrent ou en transformèrent le sens. Ce sera l’occasion unique de rassembler plusieurs répliques, de les comparer au carton de Chantilly et entre elles.
Qui a créé la Joconde nue de Chantilly ? Des analyses scientifiques pour lever une partie du mystère
L’exposition fera également la part belle aux examens de laboratoire qui ont accompagné l’étude du chef-d’œuvre de Chantilly. À la manière d’une enquête policière, et dans un mode immersif, le visiteur prendra connaissance des résultats des analyses scientifiques et saura enfin qui a pu réaliser ce fameux carton.
La Joconde nue dans la France de la Renaissance
La Joconde nue fut très tôt connue en France, par le biais d’un original ou d’une copie. François Clouet, fils du portraitiste de François Ier, s’en inspira dans sa Dame au bain (Washington, National Gallery of Art), une composition promise à un brillant avenir, placée aux confins du portrait d’accouchée, de l’allégorie de la fécondité ou de l’amour et de la peinture de genre.
Le motif connut de notables évolutions, notamment auprès des peintres de la seconde école de Fontainebleau. Dames au bain, à la toilette, entre les deux âges, portraits des maîtresses d’Henri IV (dont le célèbre tableau du Louvre, Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs) sont en quelques sortes les filles de la Joconde nue, support qui permit de développer à l’envi une esthétique précieuse et polysémique, telle que le prisait la Renaissance.
En se penchant sur une œuvre emblématique et oubliée de Léonard de Vinci, l’exposition du Domaine de Chantilly rendra hommage à l’une des plus énigmatiques inventions du maître, tout en donnant à voir une véritable leçon d’histoire de l’art consacrée au développement d’un genre pictural, entre la France et l’Italie de la Renaissance.