Il y a des tweets qui prennent une saveur toute particulière lorsqu’on tombe dessus quelques semaines après leur publication. Prenez celui-ci, par exemple : « Monsieur Finkielkraut, la seule haine que j’entends est malheureusement celle que vous déversez, contre une France que vous ne comprendrez décidément jamais. » Pas très vieux : il date du 23 décembre dernier.
Son auteur est le député macroniste du Val-d’Oise Aurélien Taché. Ce tweet définitif venait en appui d’une tribune que le parlementaire venait de publier dans le JDD, intitulée « Parlons d’immigration ! La réponse du député En Marche Aurélien Taché à Alain Finkielkraut ». Cette tribune réagissait aux reproches faits par l’académicien, dans l’émission des « Grandes Gueules » de RMC, quelques jours auparavant, à la « soi-disant aile gauche de la majorité, menée par Aurélien Taché », de ne pas vouloir aborder le sujet de l’immigration dans cette grande concertation qui n’avait pas encore reçu le nom de « Grand débat national ». Dans cette tribune, l’ancien socialiste ramenait à grands coups de rame la question migratoire à celle de l’asile (un truc employé par Macron que l’on retrouve dans sa lettre aux Françaises et Français) et y allait des éternelles scies : « Réenchantons l’idéal démocratique en refusant tous les identarismes, qu’ils soient catholiques, républicains ou musulmans et en défendant une société plurielle, ouverte et tolérante, inscrite dans l’Europe et le monde, ainsi que l’universalisation des accès pour tous ceux qui vivent sur le sol français. » Dans ce charabia que Hollande n’aurait pas renié (surtout avec le verbe « réenchanter » !), on a une petite idée de la certaine idée de la France d’Aurélien Taché. Pas celle de Finkielkraut, a priori. Et le député de conclure sa tribune : « C’est ce que devra permettre cette grande concertation nationale, unir plutôt que diviser car, pour l’instant, Monsieur Finkielkraut, la seule haine que j’entends est malheureusement celle que vous déversez, contre une France que vous ne comprendrez décidément jamais. »
Il semblerait que, depuis ce samedi 16 février, Alain Finkielkraut a bien entendu une certaine haine se déverser. Et c’était à son encontre. Il semblerait aussi, que, pour l’instant et sauf erreur de notre part, Aurélien Taché ne l’a pas entendue car, jusqu’à cette heure où ces lignes sont écrites, il doit bien être un des rares politiques à ne pas avoir réagi par Twitter à l’agression de l’écrivain. Vous me direz qu’on n’est pas obligé, non plus, de réagir à tout les événements qui agitent notre pays. Son dernier tweet, datant de ce dimanche après-midi, concerne les « fake news » et « l’espace public », qui serait « aujourd’hui contaminé », mettant ainsi le « débat démocratique en danger ».
Justement. Pour rester sur l’agression verbale d’Alain Finkielkraut, lorsqu’un Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, tout de même, tweete « La haine à l’état brut dans les rues de Paris contre Alain Finkielkraut hué aux cris de “sale juif” » et que l’agressé déclare, ce dimanche, sur LCI, « On ne m’a pas traité de sale juif », on se demande qui croire. Au passage, quand ce même Benjamin Griveaux déclare, ce dimanche, sur RTL, ne pas savoir ce qu’est « l’islamogauchisme en termes d’organisation », on a envie de lui dire d’aller se tuyauter auprès de son ancien petit camarade Manuel Valls… Quand Le Parisien, toujours ce dimanche, écrit « “L’un [des manifestants hostiles] a été identifié”, a annoncé ce dimanche, à la mi-journée, le secrétaire d’État à l’Intérieur, Laurent Nuñez sur BFM TV. Selon nos informations, cet individu serait connu des services de renseignement pour radicalisation » et que, peu après, le quotidien supprime dans son article les mots « pour radicalisation », on se demande bien que croire.
Tout ça pour dire que si Alain Finkielkraut avait été agressé par de bons gros fachos d’estrèmedroite, les choses eussent été tellement plus simples. Et on le saurait probablement déjà… Cela n’aurait cependant pas réglé ce sacré problème de haine que le philosophe, à en croire Aurélien Taché, déverse sur la France.
Georges Michel Boulevard Voltaire