Présent
Jeanne Smits
Difficile à trouver. Mais en cherchant bien, on peut le lire en ligne : le projet de rapport brut dont la version définitive a été publiée mercredi de la semaine dernière par les « experts indépendants » du Comité onusien pour les droits de l’enfant et ses injonctions à l’Eglise catholique romaine. Elles vont bien au-delà de celles que j’évoquais dans notre numéro d’avant-hier, citées d’après des sources anglophones ou hispanophones. Elles sont proprement hallucinantes.
Enfin… pas tant que ça. Elles entrent parfaitement dans le cadre d’une guerre mondiale contre la loi naturelle dont l’Eglise est la meilleure garante, guerre où le très marginal lobby LGBT joue un rôle de premier plan. Et elles ne sont pas à prendre à la légère : lorsqu’un évêque espagnol les qualifie d’inquisition laïque, il souligne, en utilisant l’image que l’on a aujourd’hui de cette institution d’Eglise, à la fois la puissance et le « dogmatisme » de ce qu’il faut bien appeler la religion des temps modernes. A moins que, dans son nihilisme, il ne s’agisse du nihilisme des derniers temps…
Et ainsi se dresse, contre la foi et la religion universelles, fondées sur la vérité, la singerie d’universalité de la religion laïque qui est une athéocratie.
Le Comité pour les droits de l’enfant veille à la mise en œuvre et au respect de la Convention des droits de l’enfant, sur lesquels le Saint-Siège a soumis ses propres observations – avec un énorme retard – à la suite d’une première évaluation réalisée il y a quatorze ans. Le Saint-Siège – et avec lui l’ensemble du monde catholique, souligne le rapport du Comité – n’a pas satisfait aux exigences présentées alors. Surtout, le rapport estime que le Saint-Siège, et avec lui l’Eglise, devrait enfin, en retirant ses réserves à cet égard, considérer la Convention des droits de l’enfant comme ayant préséance sur son droit interne. « Le Comité recommande au Saint-Siège d’entreprendre une révision complète de son cadre normatif, en particulier le droit canonique, en vue d’assurer sa pleine adéquation avec la Convention » : il s’agit clairement de faire primer la loi civile sur la loi morale et religieuse.
Passons sur la proposition d’installer partout des autorités et des mécanismes permettant de mettre en œuvre et de vérifier cette adéquation, aussi bien pour les conseils pontificaux, les conférences épiscopales, les institutions religieuses que les individus. Avec les moyens, s’il vous plaît : « humains, financiers et techniques ».
Traçabilité et stigmatisation
L’Eglise, concède le rapport, fait beaucoup pour les enfants. Mais il serait grand temps qu’elle le fasse en partant d’une « approche basée sur les droits des enfants » et qu’elle ait un système permettant la traçabilité des dépenses qu’elle fait pour eux, et (sic) l’évaluation du budget nécessaire pour assurer les droits des enfants vivant dans l’Etat du Vatican…
Il va falloir que l’Eglise mette en place des programmes de conscientisation sur les droits des enfants dans ses programmes éducatifs et scolaires, mais aussi pour tous ses enseignants et responsables d’institutions religieuses. Et puis pour tout le clergé, et dans tous les séminaires.
Il va falloir que l’Eglise, et le droit canonique, fassent disparaître les termes stigmatisants : « enfants illégitimes » (canon 1 139 par exemple). « Tout en prenant note de la déclaration de progrès faite en juillet 2013 par le pape François, le Comité est préoccupé par les déclarations passées du Saint-Siège sur l’homosexualité qui contribuent à la stigmatisation sociale et à la violence à l’encontre des adolescents lesbiens, gay, bisexuels et transgenres et des enfants élevés par des couples de même sexe. »
Nul ne s’étonnera de ce que cela soit avancé au nom de la non-discrimination : il ne faut pas discriminer à l’encontre des enfants nés hors mariage en les qualifiant d’« illégitimes » ; il va falloir que l’Eglise mette en jeu « toute son autorité morale » pour condamner toute forme de discrimination, de violence ou de harcèlement à l’encontre des enfants « à raison de leur orientation sexuelle ou de celle de leurs parents ».
Et il ne s’agit pas de ne pas leur faire du tort ! Dans ce concept de la non-discrimination, ce n’est pas la protection de la dignité humaine de chacun qui est au premier plan, mais le refus de tout discours moral. La dictature du relativisme le veut : il faut qualifier d’insupportable l’enseignement selon lequel l’activité homosexuelle est un péché…
« En se référant à ses préoccupations déjà exprimées sur la discrimination à raison du genre, le Comité regrette que le Saint-Siège continue de mettre l’accent sur la promotion de la complémentarité et de l’égalité de dignité, deux concepts qui diffèrent de l’égalité en droit et en pratique visée par l’article 2 de la Convention et qui sont souvent utilisés pour justifier des politiques et des législations discriminatoires. » A l’heure de la théorie du genre « qui n’existe pas », le Comité regrette d’ailleurs bien que « le Saint-Siège n’ait pas pu produire des informations précises quant aux mesures prises pour promouvoir l’égalité entre filles et garçons et pour ôter les stéréotypes de genre des manuels des écoles catholiques ».
La Sainte Famille politiquement incorrecte
La Vierge Marie voilée, saint Joseph qui la protège et travaille pour faire vivre le foyer de Nazareth ? Quel scandale ! Encore un peu – il suffira de « mettre en œuvre » une Convention concernant les adultes – et l’Eglise sera sommée d’ordonner les femmes. D’en faire des évêques ou des porteuses de cercueils…
Il va falloir aussi que l’Eglise se mette à respecter le droit des enfants à la liberté d’expression. Les familles catholiques aussi, tiens ; un peu de démocratie à la table familiale fait des merveilles pour promouvoir l’égalité ! Et dans les écoles ? Que les enfants aient droit de participer à la planification des programmes scolaires…
Les enfants de prêtres sont aussi à protéger. Pour qu’ils puissent connaître leurs pères, être élevés par eux. (A l’heure du « mariage » gay et de la procréation médicalement assistée, on croit rêver…)
L’ Eglise est encore sommée d’aider à éviter l’abandon d’enfants en « procurant la planification familiale, la santé reproductive, des conseils adéquats et du soutien social afin d’éviter les grossesses non désirées », et d’en finir avec les « boîtes à bébés » où les mères peuvent laisser le bébé qu’elles ne se sentent pas en mesure d’élever.
Des recommandations interminables
Il va falloir (mais oui, la liste est vraiment très longue) que l’Eglise en finisse avec les punitions corporelles, avec ses « raclées rituelles » qui sont à bannir aussi bien dans les institutions de l’Eglise que dans les foyers. Le droit canonique devra être modifié afin de permettre la punition des contrevenants. L’enseignement, lui, prendra soin d’« interpréter l’Ecriture sainte » en ce sens…
« Le Comité s’inquiète de la position du Saint-Siège selon laquelle les autorités civiles ne doivent intervenir dans le cadre familial qu’au seul cas où des abus avérés ont été commis, afin de ne pas porter atteinte aux devoirs et aux droits des parents. Une telle position porte gravement atteinte aux efforts entrepris pour prévenir les abus et les manquements à l’égard des enfants. Le Comité s’inquiète aussi de ce que le Saint-Siège, en dépit de son influence considérable sur les familles catholiques, n’ait pas encore adopté une stratégie d’ensemble afin de prévenir les abus et les manquements au sein du foyer. »
Naturellement, il va falloir que les enfants disposent au sein de l’Eglise de mécanismes pour se plaindre de ce type d’abus…
Passons encore sur les paragraphes concernant les « prêtres pédophiles », pour retenir cette autre injonction : le droit canon devrait « reconnaître la diversité des cadres familiaux ». Et l’Eglise devrait s’efforcer de réunir les enfants placés dans des institutions catholiques avec leurs parents.
Pour les jeunes filles, il faudra encore fixer, pour protéger leur santé et leur bien-être, les cas où l’avortement sera permis, l’urgence étant d’amender le canon 1398. Mais aussi de faire tomber « les tabous sur la sexualité adolescente », de promouvoir « le planning familial et la contraception », et l’éducation sexuelle obligatoire pour les adolescents, filles et garçons, afin d’éviter les grossesses précoces et les maladies sexuellement transmissibles : ce sera l’« éducation à la santé reproductive ».
Cette véritable charte de l’anti-catholicisme n’a sans doute pas de pouvoir contraignant immédiat. Mais elle est dans l’air du temps, et elle inspirera les travaux et les règles des institutions internationales tout en justifiant toute coercition en ce sens au sein des Etats à l’encontre de l’Eglise.
Le cadre d’une nouvelle persécution…