Guide du Paris colonial et des banlieues

Deux apparatchiks viennent de publier un Guide du Paris colonial et demandent de débaptiser de nombreux lieux de la capitale qui célèbrent indûment des criminels, selon eux. Leur objectif : inciter une France repeinte en noir par leurs soins à faire repentance pour son histoire. C’est le totalitarisme au coin de la rue.
 
Après les échauffourées de Charlottesville, les États-Unis saisis de frénésie ont déboulonné par dizaines des statues de généraux sudistes, personnalités esclavagistes et autres figures historiques qui ne conviennent plus au politiquement correct dominant. Sur ce modèle, le CRAN, conseil représentatif des associations noires en France (qui représente deux douzaines d’agitateurs), avait demandé que le nom de Colbert, le grand ministre de Louis XIV, ne soit plus honoré et devienne une figure négative de l’histoire de France. Suivant cet exemple, Patrick Silberstein et Didier Epsztajn, deux militants « décoloniaux » ont écrit un Guide du Paris colonial dont l’ambition est de donner une vue « anticolonialiste de l’histoire de France ». A cette fin, sur les cinq mille rues, villas, squares, avenues, boulevards et places que compte Paris, ils en ont répertorié 200 qui font référence au fait colonial pour les montrer du doigt aux Français, inciter ceux-ci à la repentance et demander que leur nom soit changé.
 

L’histoire de France repeinte en noir, Paris et le fait colonial avec

 
Sont particulièrement visés le maréchal Bugeaud, artisan de la seconde phase de la conquête de l’Algérie, mais aussi Napoléon (pour l’expédition d’Égypte), Napoléon III, Colbert, encore (pour le code noir), Galieni, Faidherbe, Lyautey, Paul Bert et tant d’autres. Pauvre Galieni : à cause de Madagascar, ces impitoyables policiers de l’histoire ne lui passeront pas les taxis de la Marne. Et Lyautey ! Nos apprentis manipulateurs d’histoire devraient peut-être demander aux Marocains ce qu’ils en pensent avant de le décrire en colonial nocif. Et Paul Bert ! Combien de gymnases et de lycées en France va-t-on désespérer en France ? C’est une des gloires de l’Éducation nationale laïque et de gauche : lui en veut-on d’avoir, comme son patron Jules Ferry, professé que « les races supérieures » avaient le « devoir » d’enseigner les inférieures ? Est-ce vraiment à des historiens que l’on doit apprendre à ne pas se vautrer dans l’anachronisme et à tenir compte du contexte quand on prétend juger les actes des hommes d’autres époques ?
 

Petit guide du totalitarisme au coin de la rue

 
On espère que l’initiative de ces braves gens sera suivi d’autres semblables. Le guide du Paris machiste s’impose. Charlemagne et Louis XV devraient être « bannis » au plus tôt des rues parisiennes. Leur façon d’être avec les femmes était tout simplement scandaleuse. Ne parlons même pas de Louis XIV. Il faudra d’ailleurs étendre le mouvement à tous les mauvais exemples dont on a fait des gloires nationales. Le général De Gaulle fumait des gitanes sur des photos historiques, pire qu’Humphrey Bogart. Dans le même esprit, on rasera le muséum d’histoire naturelle, au nom de la fierté du vivant.
 
Le totalitarisme marchera ainsi sur les pas de grands précurseurs. Staline effaçait on le sait les gens qui ne méritaient pas de passer à la postérité sur les photographies, et, des siècles auparavant, les pharaons martelaient les cartouches de leurs prédécesseurs incorrects. Cela s’appelle la damnation memoriae. Question : quelle mémoire entend-on condamner aujourd’hui, quel visage reléguer dans l’éternel oubli ? Réponse : celui de la France, bien sûr.

 

Lu sur RITV

 

Résumé éditeur

Rues, boulevards, avenues et places, sans oublier collèges, lycées, statues et monuments parisiens, sont autant de témoins de l’histoire et de la légende du colonialisme français.
Alors qu’aux États-Unis, poussées par les manifestant-es, les statues des généraux esclavagistes s’apprêtent à quitter les rues pour gagner les musées, ce guide invite à une flânerie bien particulière sur le bitume parisien.
Sur les quelque 5 000 artères et places parisiennes, elles sont plus de 200 à « parler colonial ». Qui se cachent derrière ces noms, pour la plupart inconnus de nos contemporains ? C’est ce que révèle ce livre, attentif au fait que ces rues ont été baptisées ainsi pour faire la leçon au peuple de Paris et lui inculquer une certaine mémoire historique.
On n’y retrouve pas uniquement les officiers ayant fait leurs classes « aux colonies ». Il y a aussi des « explorateurs » – souvent officiers de marine en « mission » –, des bâtisseurs, des ministres et des députés. On croise également des littérateurs, des savants, des industriels, des banquiers, des « aventuriers ».
Laissons-nous guider, par exemple, dans le 12e arrondissement. Le regard se porte inévitablement sur le bâtiment de la Cité de l’histoire de l’immigration, l’ancien Musée des colonies construit en 1931 pour l’Exposition coloniale qui fut l’occasion d’honorer les agents du colonialisme et d’humilier ses victimes.
Les alentours portent la marque de l’Empire colonial : rues et voies ont reçu le nom de ces « héros coloniaux » qui ont conquis à la pointe de l’épée des territoires immenses.
Les alentours de l’École militaire sont également un lieu de mémoire très particulier, très « imprégné » de la culture coloniale.
Dans le 16e, nous avons une avenue Bugeaud : Maréchal de France, gouverneur de l’Algérie, il pratique la terre brûlée et les « enfumades ». Il recommande d’incendier les villages, de détruire les récoltes et les troupeaux, « d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer ». Il faut, ordonne-t-il, « allez tous les ans leur brûler leurs récoltes », ou les « exterminer jusqu’au dernier ». S’ils se réfugient dans leurs cavernes, « fumez-les à outrance comme des renards ».
Un peu partout, dispersées dans la capitale, on traverse des rues et des avenues dont les noms qui, tout en ayant l’apparence de la neutralité d’un guide touristique, sont autant de points de la cartographie coloniale : rues de Constantine, de Kabylie, de Tahiti, du Tonkin, du Dahomey, de Pondichéry, de la Guadeloupe… Toutes célèbrent des conquêtes et des rapines coloniales que rappellent la nomenclature des rues de Paris.
Classés par arrondissement, les notices fournissent des éléments biographiques sur les personnages concernés, particulièrement sur leurs états de service dans les colonies. Des itinéraires de promenade sont proposés qui nous emmènent au travers des plaques bleues de nos rues en Guadeloupe et en Haïti, en Afrique, au Sahara, au Maroc, en Tunisie, en Algérie, en Nouvelle-Calédonie, en Indochine, à Tahiti, etc.

Un livre qui se veut un outil pour un mouvement de décolonisation des cartographies des villes et qui propose un voyage (presque) immobile dans la mémoire coloniale de Paris.

 

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