Des nouvelles de Bocuse!

A 47 ans, le fils de Paul Bocuse se veut le gardien de la marque familiale. Propriétaire de la concession « Chefs de France » au Disney World d’Orlando en Floride depuis 2005 (36 millions d’euros de chiffre d’affaires, 300 employés et plusieurs établissements mettant la gastronomie française à l’honneur dont le restaurant gastronomique Monsieur Paul), celui qui est désormais président du Sirha et du Bocuse d’Or a racheté début 2015 la participation du fonds Naxicap Partners dans le capital des brasseries Bocuse. Bocuse d’Or, Collonges et développement : grand entretien avec Jérôme Bocuse.

A propos du Bocuse d’Or, vous avez récemment déclaré dans un communiqué de presse souhaiter vous inscrire « dans la continuité et préserver les valeurs défendues depuis l’origine par (votre) père tout en cherchant en permanence de nouvelles évolutions possibles ». Concrètement, cela veut dire quoi ?

Jérôme Bocuse – Quelque chose de vraiment unique dans ce concours, c’est l’épreuve du plat de 60 centimètres qui a plus d’impact que l’épreuve à l’assiette et il est important que cela demeure. Il faut rappeler que l’assiette a été introduite au Bocuse d’Or dans un second temps parce qu’il était nécessaire d’intégrer le travail que les chefs réalisent quotidiennement au sein des restaurants. Nous avons annoncé que cette assiette serait 100% végétale pour cette édition qui correspond au 30ème anniversaire du Bocuse d’Or. Là aussi, cela s’inscrit dans l’adaptation du concours parce que beaucoup de pays se tournent vers le végétal et nous devons prendre cela en compte. (…)

Comment voyez-vous l’Auberge dans le futur ? Va-t-elle connaître des évolutions ou des changements ?

L’Auberge de Collonges affiche 50 ans de trois étoiles au guide Michelin. Nous avons une forte identité de cuisine classique, généreuse, avec des os et des arêtes, de la crème, du beurre et nous allons rester là-dessus. Aujourd’hui, nous sommes un restaurant un peu atypique parce que des trois étoiles avec une cuisine classique, il n’y en a pas beaucoup. Tous les chefs présents au sein de la maison sont imprégnés de cette philosophie. Le jour où mon père ne sera plus là, ça ne changera pas parce que les valeurs resteront les nôtres, même avec des chefs plus jeunes.

Les cuisines abritent actuellement trois Meilleurs Ouvriers de France, qui ont pu évoluer aux côtés de votre père : Christophe Muller, 44 ans, Gilles Reinhardt, 41 ans, et Olivier Couvin, 39 ans. Lorsqu’ils se retireront des fourneaux, comment comptez-vous attirer de plus jeunes cuisiniers et les convaincre de pratiquer une cuisine peu ancrée dans leur quotidien ?

C’est précisément nos ambitions. Ces jeunes n’auront pas connu mon père et la vision de cuisine qu’il avait. Nous sommes dans la transmission, leur tâche sera d’amener ces jeunes vers la cuisine classique, vers la discipline.(…)

DÉVELOPPEMENT

Début octobre, vous indiquiez au média en ligne Lyon Entreprises la chose suivante : « Je pense qu’il reste encore d’autres concepts, d’autres pistes à explorer pour répondre aux attentes de tous les types de consommation, tous les types de cuisine, tous les budgets ». Quelles idées de nouveaux concepts avez-vous déjà en tête aujourd’hui ?

Depuis les Etats-Unis, je suis de très près les tendances. Nous voyons qu’il y a une place à prendre dans ce que l’on appelle le fast-casual 2.0, univers entre le restaurant-brasserie et le fast-food. Ce segment à prendre consiste à offrir une vraie expertise, un sourcing local avec une cuisine travaillée mais rapidement exécutée, le tout associé à une forte culture d’entreprise. Pour vous donner des exemples, je pense à Mendocico Farms ou à Tender Greens, enseignes présentes en Californie.

A ce jour, vous n’êtes pas associé dans l’entité fast-food du groupe Bocuse à savoir Ouest-Express…

C’est en train de se faire. D’ici les deux prochains mois, le groupe Pôl Developpement et moi-même (présidé par Jérôme Bocuse qui en possède 38% des parts aux côtés notamment de son associé Paul-Maurice Morel, ndlr) reprendrons les Ouest-Express qui ont besoin d’être revus. L’objectif, c’est de les amener vers les exemples cités précédemment.

Êtes-vous exclusivement concentrés sur les établissements Bocuse ? En tant que représentant d’un nom qui incarne la grande cuisine française, vous n’êtes pas intéressé par la reprise de grandes maisons hexagonales ?

Au départ, quand j’ai repris le groupe des restaurants-brasseries, je m’étais dit que les deux-trois années à venir, nous les aborderions sans développement. Et puis, l’Olympique Lyonnais nous a sollicités pour imaginer une brasserie au sein du stade et nous avons également eu l’opportunité d’ouvrir une nouvelle adresse à Lyon, le Comptoir de l’Est. Parfois, on se fixe des objectifs, des lignes et les choses n’évoluent pas forcément comme prévu. Cela dit, comme l’a été mon père, je suis quelqu’un de prudent et ce n’est pas mon but aujourd’hui de faire comme ces chefs que je ne nommerai pas qui ouvrent plusieurs restaurants et qui, au passage, en ferment. Ce n’est pas la philosophie de la maison : nous voulons surtout une marque bien contrôlée.(…)

Parlez-nous des projets Bocuse actuellement dans les cartons ?

L’Asie d’abord. Le Japon est le seul territoire où nous opérons sous licence, en l’occurrence avec le groupe nippon Hiramatsu qui travaille également avec la famille Haeberlin pour l’anecdote. Ce schéma est très spécifique parce nous estimons que les Japonais sont capables de venir en France, d’observer et de retourner faire au pays la même chose que nous sans aucune dérive, avec minutie. Ça, je ne l’ai retrouvé dans aucun autre pays. (…) Pour la France, comme je l’ai indiqué par le passé, nous voulons rester près de Lyon pour contrôler nos établissements. Nous regardons autour de nous avec des villes au potentiel fort. Je pense à Annecy par exemple où sera lancée une brasserie Bocuse l’an prochain. Nous y allons pas à pas, sans se précipiter.(…)

Au-delà de la restauration, une diversification Bocuse est-elle envisageable ? Dans la boulangerie-pâtisserie, l’édition ou la presse par exemple ?

Je ne veux pas que la marque Bocuse suive la même voie que Maxim’s qui était une belle marque et qui ne vaut plus grand-chose désormais. Je préfère rester où nous sommes, petits mais de qualité. Il y a cinq ans, peu de personnes m’attendaient en France. J’avais déjà de belles maisons aux Etats-Unis, avec un mode de vie assez agréable. A un moment donné, j’ai acquis un certain niveau de maturité et d’expérience pour reprendre le flambeau. L’élément détonateur, ça a été ma rencontre avec Paul-Maurice Morel qui a grandi dans le groupe, était proche de mon père et le connait bien. C’était aussi une question de timing : Il y a dix ans, je n’aurais pas pu reprendre les parts du groupe, mes finances ne me le permettaient pas. J’ai souvent entendu mon père déclarer que rien n’est acquis. Je n’oublierai jamais cela car c’est au moment où l’on croit que l’on a du succès que c’est le début de la fin.

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