La guerre du lait!

 

Rien ne va plus entre Lactalis, premier groupe laitier mondial (créé en 1933 à Laval) et la plupart des agriculteurs français, qui estiment travailler à perte. Pendant ce temps, le géant du lait continue d’ouvrir des usines de transformation à travers le monde, de la Russie à l’Egypte, de l’Italie au Kazakhstan. Confrontés à de trop faibles rémunérations (0,36 euros par litre au 4 ème trimestre 2014) de la part de Lactalis, de Bel ou de Bongrain, nombre de paysans envisagent de déclencher une “grèvedu lait”. Des centaines d’autres se suicident dans l’indifférence des dirigeants politiques Français. L’embargo russe a, à la fois, accéléré la chute des prix et désorganisé les flux commerciaux, notamment européens. La Russie était le premier débouché de l’industrie laitière européenne en 2013 pour une valeur de 1,5 milliard d’euros devant la Chine (1,3 milliard d’euros). A la différence de la Chine, grosse importatrice de poudre de lait, la Russie importe surtout du fromage d’Europe.

Avec 52 000 salariés à travers le monde, 198 unités industrielles, un chiffre d’affaire global de 14,7 milliards d’euros, le géant laitier Lactalis et son “Empereur du lait” Emmanuel Besnier (lire aussi http://suite101.fr/article/lempereur-du-lait-emmanuel-besnier-ne-sinteresse-pas-a-doux-a35195 ) supportent de plus en plus mal la contestation verbale, et quelquefois “musclée”, du monde rural Rhône-Alpin et de la paysannerie française. Car cette contestation serait un épihénomène “bleu-blanc-rouge”. Du jamais vu en Russie ou au Kazakhstan ! Au sein du directoire du premier groupe laitier mondial, dont le siège se trouve toujours à Laval, dans l’Ouest de la France, le ton était donné voici quelques temps par Michel Nalet, directeur de la communication, contacté par téléphone, “Je n’ai pas d’écrit des gens qui contestent ! Nous avons augmenté les prix du lait de plus 10 % en 2010 et de plus 8 % en 2011….”

Tous les litiges sont justement concentrés dans ces augmentations jugées très insuffisantes par les agriculteurs de Rhône-Alpes, à l’image de F. L. producteur installé dans la Drôme, qui déplore : “Même si le gouvernement a fait pression sur les industriels, le prixdu lait est trop bas et nous sommes très en-dessous de ce que nous attendions. Nous n’arrivons pas à nous en sortir compte tenu des charges qui sont élevées. Pour vivre vraiment de son travail, il faudrait percevoir 370 euros pour 1000 litres de lait (NDLR : 310 euros en moyenne versés au début de l’année par les industriels du lait). Il est nécessaire que les marges soient mieux réparties entre les producteurs, les intermédiaires et la grande distribution….”.

Dans une France où tout va mal, surtout pour les patriotes qui travaillent dur, dans une France en plein désarroi, où nos paysans se suicident pour échapper aux huissiers, dans une France où des intégristes Egyptiens utilisent le Pays comme base arrière, dans une France où les projets de mosquées ou de centres cultuels musulmans intégristes se multiplient, comme à Saint Alban d’Ay (lire Ardèche : ce qui se cache derrière le centre d’éducation islamique de Saint-Alban-d’Ay ), dans une France où les entreprises licencient à tour de bras, où le groupe Aoste ferme son usine « Calixte » à Boffres en Ardèche, dans une France où peu d’entreprises innovent, créent des emplois et beaucoup disparaissent , dans une France où beaucoup de magistrats découragés diagnostiquent « La fin des juges », à l’image de Marie-Odile Theoleyre dans son remarquable livre (http://suite101.fr/article/actualite–la-fin-des-juges-dans-une-societe-en-pleine-folie-a35178), les médias nationaux osent présenter les agriculteurs “comme des acteurs privilégiés du système”.

Dans la Loire, un bras de fer entre Lactalis et les paysans

Dès que la contestation surgit, les dirigeants du groupe Lactalis, qui revendiquent le positionnement de 1er Groupe Laitier Mondial, de 15ème Groupe Agroalimentaire mondial et de 1er Collecteur de lait Européen, s’abritent derrière la Fédération Nationale des industries laitières. “Nous, on applique les décisions résultant des négociations” affirme un directeur de la du groupe Lactalis. A la question posée “Les agriculteurs parlent d’un contrat de servage, leur interdisant la grève du lait, que vous leur auriez fait signer ?”, le représentant du Directoire de Lactalis rétorque : “On a essayé une version d’un contrat. On l’a retiré et on a discuté un autre type de contrat….”.
La domination des industriels du lait sur toute la filière risque pourtant de s’aggraver avec la signature obligatoire de “contrats” entre producteurs et industriels. Des contrats iniques, avec des clauses anti-grève, et qui entraînent une dépendance totale des agriculteurs. De véritables “contrats de servage”, dénoncés par les syndicats.

A l’évidence, les relations entre le géant du lait et les petits producteurs ont véritablement dérapé le 1er juin 2011 dans la Loire. Ce jour là, le géant de l’industrie laitière Lactalis assigne au tribunal un paysan qui a osé s’opposer à l’entreprise. Cette action répressive du groupe intervient après 57 jours de mobilisations laitières en 2009. Une grève que le géant Lactalis, 1 er groupe laitiermondial, n’a pas apprécié.
Le 1er juin 2011, la Confédération Paysanne de la Loire et son ancien secrétaire général, Philippe Marquet, comparaîssent devant le Tribunal de Saint-Étienne. Motif ? “Au plus fort du mouvement de la grève du lait, le 17 août 2009, nous avions bloqué l’entrée dusite de l’usine Lactalis, à Andrézieux-Bouthéon dans la Loire, et empêché la première équipe des salariés d’entrer le matin”, raconte Philippe. Il ajoute : “À l’époque, de gigantesques opérations d’épandage de lait se multiplient, en France et en Europe, pour dénoncer l’effondrement du prix du lait. Lactalis, qui collecte 22% du lait produit en France, est une des cibles privilégiées de la contestation et des producteurs”.

A la barre, le petit producteur Philippe Marquet raconte son esclavage, “la misère des petits agriculteurs de la Loire, qui ne peuvent plus joindre les deux bouts”, l’immense désespoir de toute une “profession en train de crever”. Du Zola pur et dur. Le Tribunal de Grande Instance de St-Etienne met alors son jugement en délibéré au 14 septembre 2011. Et là, coup de tonnerre ! Philippe Marquet et la Confédération Paysanne de la Loire sont relaxés par le tribunal, alors que Lactalis leur demandait 14 000 euros d’indemnités pour les actions menées en 2009 au moment de la grève du lait.

Les secrets de Lactalis et d’Emmanuel Besnier, “l’Empereur du lait”

N’étant pas cotée en bourse, Lactalis, entré en négociation exclusive en vue du rachat de Skanemejerier, le numéro deux suédois dulait, n’a jamais publié de rapports financiers détaillés, et l’organisation de la société restait vague jusqu’à ces dernier mois.Grande première pour les concurrents de Lactalis, les agriculteurs clients et les marchés financiers ! Durant l’été 2011, après 50 ans de “clandestinité”, l’entreprise familiale de Laval a dû sortir de son silence dans le cadre de son OPA sur l’Italien Parmalat.

Tout a démarré avec l’offre publique d’achat (OPA) visant Parmalat. Les actionnaires Italiens ont jugé la proposition financière trop faible et dénonçé un manque d’informations sur le groupe Lactalis. Aussi, pour rassurer le conseil d’administration de Parmalat,”dans le cadre d’une prise de contrôle”, Lactalis a du révèler la structure du capital de l’entreprise familiale, dans un document fourni en Italien.

La structure du capital de Lactalis aux mains de la famille Besnier

La famille Besnier possède 100% du capital, et le PDG, Emmanuel Besnier, est l’actionnaire majoritaire. Les documents remis aux Italiens montrent en effet qu’il détient une légère majorité de la maison mère du groupe, BSA. Emmanuel Besnier est le petit fils dufondateur de Lactalis, André Besnier. Les principaux actionnaires sont la famille Besnier, BSA Finances, Claudel, Roustang Galac, Jema 1, Sofil.

Au niveau des résultats financiers, ils sont globalement positifs. Le résultat brut d’exploitation (Ebitda) pour l’année 2010 est de 994 millions d’euros, le bénéfice net atteind 308 millions. Le chiffre d’affaire du groupe est en progression de 11% sur un an, à 10,4 milliards d’euros pour l’exercice 2010. Il faut noter que ce volume d’affaires a été quasiment multiplié par deux depuis 2005.
Malgré tous ces bons résultats, l’endettement du groupe reste très élevé : 4,3 milliards d’euros après le rachat de 29% de Parmalat. Il est vrai aussi que le groupe Lactalis a réalisé de nombreuses aquisitions ces dernières années, et le poids de la dette commence à peser.

Avec le rachat du groupe Italien Parmalat le 28 juin 2011, si 100% des actionnaires de Parmalat acceptent de vendre leurs actions, l’endettement de Lactalis pourrait grimper à 7,7 milliards d’euros. Ce cas de figure est envisagé, et cette dette supplémentaire estt financée par un emprunt déjà négocié avec un groupe de banques.
Une fois l’acquisition définitivement actée auprès de tous les actionnaires, le groupe devra restructurer sa dette. Selon les Echos, “Lactalis devrait alors consacrer entre 30 et 50% de ses cash-flows à les rembourser”.
Le document fourni par Lactalis au groupe Italien révèle également quelques informations nouvelles sur les ventes du groupe. Son chiffre d’affaires provient à 46% des fromages, 17% du lait, 14% des produits frais 11% de beurre et crèmes et 12% d’autres produits. Si le nom Lactalis n’apparaît pas directement sur les étals des supermarchés, l’entreprise est présente sur le marché avec des produits comme le camembert Président, le lait Lactel ou encore la mozarella Galbani.

Géographiquement, le premier marché de Lactalis reste la France avec 39% des ventes. L’Italie vient ensuite avec 13% (Lactalis y contrôle 26% du marché) puis vient le reste de l’Europe (33% au total), 8% dans les Amériques, l’Afrique et le Moyen Orient avec 5%, l’Asie et Océanie 2%. Avec une présence dans 150 pays, Lactalis est le troisième groupe laitier mondial.

Les nouvelles informations permettent de mieux comprendre la stratégie de la famille Besnier. Le journal Les Echos a notamment relevé des éléments qui indiquent que Lactalis a commencé son offensive sur Parmalat dès 2008. Les premières actions du groupe italien ont alors été achetées entre 1,2 et 1,5 euro, de manière à préparer l’offensive finale de 2011.

Les autres grands chiffre du groupe

9,9 milliards de litres de lait produits par les agriculteurs ont été transformés par les usines du groupe Lactalis dont six milliards de litres de lait de vache, 162 millions de litres de lait de brebis, 74 millions de litres de lait de chèvre achetés auprès de 23 300 éleveurs-producteurs français répartis sur soixante-seize départements.
À l’étranger, 3 milliards de litres de lait sont collectés dont 1,1 milliard aux Etats-Unis..
Transformations écoulées du groupe Lactalis : fromages, 750 000 t ; produits frais, 300 000 t ; matière grasse, 152 000 t ; crème, 125 000 t ; produits industriels, 563 000 t ; viande, 49 000 t.
Reventes écoulées du groupe Lactalis : lait, 1 500 millions de litres.

Difficile d’approcher le PDG Emmanuel Besnier

Emmanuel Besnier, surnommé ‘l’Empereur du lait” par ses détracteurs, reste un PDG secret. Il n’apparaît pas en public. Il n’a jamais donné d’interview. La seule photo de lui qui circule a été volée en Croatie, il y a quatre ans, lors d’un voyage d’affaires.

“Mais dans l’ombre de son empire familial, les apparences cachent un chef d’entreprise insatiable” nous confiait, voici quelques années, Luc Morelon, un cadre du directoire Lactalis, à la retraite depuis le début de l’année 2011. Notre interlocuteur ajoutait : “Emmanuel est un pur produit Besnier, l’emblématique entreprise fromagère lancée en 1933 à Laval, par André, son grand-père. Il est né en 1971 dans le fief familial, trois ans seulement après que son père lance sur le marché le camembert Président et le conditionnement du lait en brique. Sa carrière est alors toute tracée. Jeunesse à Laval, puis études secondaires à Paris, dans une école de commerce : à 24 ans, il était propulé directeur du développement de la société, devenue Lactalis à partir de 1999…”
Emmanuel Besnier incarne la réussite familiale. Il a même réussi à obtenir l’allégeance, puis l’admiration des vieux cadres du groupe à l’image de Luc Morelon. Dès 2000, au décès prématuré de son père, Emmanuel Besnier, aîné de la fratrie, reprend les rênes de l’empire familial, alors second laitier d’Europe. Il a 29 ans. Il lance alorse une vague de rachats pour faire grandir le groupe : Italie, Kazakhstan, États-Unis ou Pologne. Tout l’intéresse : fromage fondu, mozzarella, lait, crème, et rien ne résiste à son appétit.
Pour le cadre retraité Luc Morelon, “Le père Besnier a constitué le groupe, le fils Besnier en a fait un géant”. Un géant qui emploieaujourd’hui 52 000 personnes dans 126 pays, et qui collecte chaque année 9,9 milliards de litres de lait.
À l’image de son dernier coup de force sur Parmalat, la stratégie expansionniste d’Emmanuel Besnier, aujourd’hui âgé de 40 ans, dérange. En 2009, il s’est fait beaucoup d’ennemis dans le monde agricole et les administrations, en fustigeant assez brutalement “la politique agricole démagogique, menée par une administration déphasée et un syndicalisme sclérosé”, et en dénonçante “des groupes coopératifs qui n’ont jamais rien prouvé en France”.
Ses déclarations de maréchal d’Empire lui ont attiré l’inimitié du secteur agricole, lesproducteurs en tête. Mais aussi des distributeurs, surtout quand il ordonne à ses cadres, en février dernier, de ne plus approvisionner les hyper Leclerc qui lui refusent des augmentations tarifaires.
La réputation d’Emmanuel est ternie par un manque de transparence, et des caprices “d’enfant gâté”. En effet, jusqu’à l’OPA réussie de 2011 sur le géant Italien Parmalat, Lactalis n’a jamais publié ses comptes au greffe. Les Besnier préféraient s’acquitter d’une amende plutôt que de renseigner la concurrence et les fournisseurs. Le culte du secret a été poussé jusqu’au bout, jusqu’au “Pont d’Arcole” par le “Napoleon du lait” pour conquérir le géant Italien Parmalat.

Les agriculteurs sont les grands oubliés de la France de 2014

Selon plusieurs présidents de chambres d’agriculture, joints par téléphone, “L’embargo russe a, à la fois, accéléré la chute des prix et désorganisé les flux commerciaux, notamment européens. La Russie était le premier débouché de l’industrie laitière européenne en 2013 pour une valeur de 1,5 milliard d’euros devant la Chine (1,3 milliard d’euros). A la différence de la Chine, grosse importatrice de poudre de lait, la Russie importe surtout du fromage d’Europe. Quand les portes de la Russie se sont fermées, le Danemark a tenté de trouver preneur pour ses fromages en Finlande, mais la Finlande n’en a pas voulu.
” Frontalière de la Russie, la Finlande est le pays laitier européen qui a le plus souffert de l’embargo, selon les chambres d’agriculture. Elle y exporte en effet près d’un cinquième du lait (18,2 %) qu’elle produit, suivie de près par la Lituanie (17,7 %). Certains groupes se sont retrouvés avec des lots entiers de fromages sur les bras parce qu’ils avaient déjà été étiquetés en russe. Face à cette situation, les industriels européens ont réduit leur production de fromage, qu’ils essaient de vendre sous forme de poudre, ce qui pèse d’autant plus sur les cours qu’ils anticipent une baisse plus forte dans les mois à venir.
L’embargo russe n’est pas seul responsable de la chute des prix. Celle-ci était prévisible avec la reprise de la production dans les grands pays laitiers, Argentine exceptée et la reconstitution des stocks en Europe. Le dynamisme de l’offre est en train de prendre un poids démesuré sur le marché laitier, entraînant les cours vers le bas, ajoutent plusieurs présidents de chambres d’agriculture. Pendant ce temps, les grands groupes laitiers, comme Lactalis, continuent d’engranger les bénéfices. Cherchez l’erreur…

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