https://www.youtube.com/watch?v=iV22QyCrrRM
Depuis le début de l’année 2015, l’Arabie saoudite a exécuté au moins 85 personnes, soit presque autant que sur toute l’année 2014 (88), ce qui place la pétromonarchie au troisième rang mondial, derrière la Chine et l’Iran (en matière peine de mort NDLR). Si la majorité des cas concernent des meurtres, au moins 38 personnes ont été exécutées pour trafic de drogue, souligne l’ONG Human Rights Watch. Pour répondre à cette spectaculaire hausse, le royaume vient de publier une annonce pour le recrutement de huit nouveaux bourreaux, relève l’agence de presse Reuters. Intitulé “fonctionnaire religieux”, le poste ne requiert aucune qualification spécifique, si ce n’est “exécuter les peines de mort”, mais aussi les amputations et les coups de fouet pour les personnes condamnées à des peines “moins graves”, décrit l’annonce publiée sur le site de recrutement du ministère de la Fonction publique. Un formulaire de demande, téléchargeable au format PDF, indique une rémunération au plus bas de la grille des salaires.
Régie par une vision rigoriste de la charia (la loi islamique), l’Arabie saoudite applique toujours la peine de mort pour le viol, le meurtre, les braquages armés, mais aussi le trafic de drogue et l’apostasie et exécute souvent les condamnés au sabre et en public. Ainsi, le 12 janvier dernier, une ressortissante birmane s’est vu trancher la tête à l’épée en pleine rue à La Mecque, après avoir été condamnée pour le viol et le meurtre de la fille de son mari.
Insoutenables, les images de cette exécution, relayées sur les réseaux sociaux, ont valu à l’auteur de la vidéo d’être arrêté par les autorités. Elles rappellent à s’y méprendre les multiples exactions perpétrées par l’organisation État islamique (EI), dont l’idéologie s’inspire d’ailleurs du wahhabisme saoudien (version ultra-rigoriste du sunnisme), bien qu’elle menace aujourd’hui directement le royaume saoud. Le site Middle East Eye a ainsi comparé les peines pratiquées par l’EI et par l’Arabie saoudite au nom de la charia. Ainsi, le groupe terroriste et le royaume wahhabite exécutent les mêmes peines (capitale) pour le blasphème, l’homosexualité, l’adultère, le meurtre ou le vol.
“Les peines sont effectivement les mêmes, car l’État islamique et l’Arabie saoudite pratiquent le droit pénal musulman et interprètent de façon stricte et littérale la charia à l’instar de l’Iran chiite, du Pakistan, du Soudan et de la Mauritanie”, souligne Mathieu Guidère (1), professeur d’islamologie à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès. “L’EI étant une excroissance du wahhabisme saoudien, il s’entend avec lui sur l’application de la charia”, poursuit-il. “En revanche, ils divergent sur la relation aux minorités (tolérées en Arabie saoudite), leurs liens avec les Occidentaux (considérés comme des mécréants par l’EI) et le statut des femmes (qui bénéficient en Arabie saoudite de certains droits – travailler ou voyager seules – à condition d’obtenir l’aval de leur “tuteur” masculin).”
(1) Mathieu Guidère vient de publier L’état du monde arabe (Éditions De Boeck)