Comme une gazelle apprivoisée

Curieux parcours que celui de Barbara Pym (1913-1980) dont les éditions Belfond, dans leur collection « Vintage », rééditent le désopilant Comme une gazelle apprivoisée, ce roman british, so british

C’est le premier roman écrit par Barbara Pym, alors âgée de 22 ans, en 1936. Elle va faire le tour de tous les éditeurs pour proposer son livre. En vain. Sans se décourager, elle se lance dans l’écriture d’un autre roman, Crampton Hodnet, qui, lui, nesera édité, et de manière posthume, qu’en 1985 !

Sans oublier son premier roman, elle en écrit d’autres et commence à être reconnue et appréciée pour Des femmes remarquables (1952), Jane et Prudence(1953), Moins que les anges (1955), etc. Elle retravaille Comme une gazelle apprivoisée qui finit par être pris par les éditions Jonathan Cape Ldt en 1950. Le livre trouve aussitôt le cœur des lecteurs et l’assentiment louangeur des critiques littéraires.

En 1961, paraissent Les Ingratitudes de l’amour. Curieusement, à partir de là,Barbara Pym vaconnaître une longue éclipse littéraire. Malgré ses succès passés, elle ne trouve plus d’éditeurs ! Elle ne reviendra qu’en 1977 avec le très sensible Quatuor d’automne (qui sera finaliste, mais non vainqueur, du prestigieux Booker Prize). Elle doit cette « résurrection » à un article du TimesLiterary Supplementoù deux sommités, Lord David Cecil et Philip Larkin, saluent en elle « l’écrivain le plus sous-estimé du siècle ».

L’œuvre de Barbara Pym est sans doute plus marquée par la densité des personnages que par les intrigues. Mais cela est à nuancer. Ainsi en va-t-il des deux sœurs de Comme une gazelle apprivoisée, Harriet et Belinda Bede, célibataires endurcies et aimables dévotes. Coquette, bavarde comme une pie, enjouée, Harriet n’aime rien tant que d’accueillir et de choyer les nouveaux vicaires de la paroisse (ce qui nous vaut de savoureuses réflexions sur les variantes catholico-anglicanes des uns et des autres). Plus discrète, plus rêveuse, Belinda voue un culte – en tout bien tout honneur – à l’archidiacre Hoccleve. Mais tout ce petit monde va être chamboulé par l’arrivée du nouveau bibliothécaire, précédé d’une flatteuse renommée, et d’un évêque africain.

Nonobstant quelques liaisons amoureuses qui intéressèrent parfois les tabloïds (notamment avec le futur politicien Julian Amery), Barbara vécut avec sa sœur cadette Hillary. D’abord dans un appartement du quartier de Pimlico (cher aux cinéphiles qui tiennent – à juste titre – Passeport pourPimlicopour un bijou de film), puis dans un cottage de Finstock, dans l’Oxfordshire.

Une lecture superficielle des romans de Barbara Pym peut donner l’impression qu’elle n’est qu’une chroniqueuse, talentueuse certes, de la vie routinière et ennuyeuse des paisibles villages anglais. Des villages où il ne se passe rien. Depuis Miss Marple, on sait qu’il n’en est rien. Par-delà l’humour et son art consommé des dialogues enlevés, Barbara Pym laisse passer une angoisse existentielle (comme dans Quatuor d’automne, déjà cité, ou La Douce Colombe est morte) mais, là où d’autres se lamenteraient, elle rebondit et place ses personnages dans des situations où la drôlerie et le goût de vivre prennent toujours le dessus. •

Alain Sanders – Présent

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