Une vidéo choc tournée dans l’abattoir d’Alès montre des conditions de souffrance, d’hygiène et de manque de respect à la réglementation telles que le maire d’Alès a décidé la fermeture conservatoire de l’abattoir.
Elle émane de l’association de protection animale L214 bien connue, peut-être moins du grand public, qui a recueilli ces images en avril/mai 2015. Celles-ci ont miraculeusement passé la frontière qui sépare la presse spécialisée en matière de protection animale, des médias grand public nationaux (Le Point, L’Express, Me Monde, L’Obs), en passant par la presse locale.
Car, ce n’est pas nouveau, ces images ne sont pas étonnantes, comme l’indique Jean-Pierre Kieffer, vétérinaire, président de l’OABA : cet abattoir avait déjà été visité en 2013 par son association cinquantenaire, qui avait relevé des infractions, comme le dispositif de contention mal adapté aux chevaux ou la reprise de conscience chez les porcs lors de la saignée.
Comme il le rappelle également, en juillet 2013, une mission sénatoriale d’information sur la filière viande, consciente des violations répétées aux textes, avait d’ailleurs préconisé « d’imposer des contrôles physiques des vétérinaires au poste d’abattage pour toutes les espèces et suivre les incidents d’étourdissement ou d’égorgement : proposition n° 39 du rapport final ».
Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll n’avait donné aucune suite, pris en otage par le lobby de la viande. On mesure la capacité d’influence et de nuisance de ces organisations, qui arrivent quand même à ce que l’État accepte la création de zones de non-droit : les abattoirs !
Cet événement intervient à la veille de la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21/CMP11), qui aura lieu à Paris.
L’occasion de nous rappeler que l’élevage intensif participe de la dégradation du climat en totalisant 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre, soit plus que l’ensemble du secteur des transports : avion, automobile, et bateau réunis ! Savons-nous qu’un végétarien en 4×4 pollue moins qu’un mangeur de viande en vélo ?
Yves Jégo, député UDI, auteur d’une pétition en faveur des menus de substitution végétariens dans les cantines, s’est fendu d’un tweet pour réclamer l’inspection d’urgence de tous les abattoirs de France, en avisant qu’il allait déposer une question écrite au gouvernement. Ces révélations contribuent à charpenter sa proposition, qui avait le tort d’apparaître comme la satisfaction d’un desiderata communautariste.
Là aussi, le lobby de la viande, via INTERBEV, était monté sur ses ergots en envoyant un courrier aux collectivités locales, conseils généraux et régionaux, et l’ensemble des parlementaires, fustigeant le « lobby végétarien » qui voudrait sanctionner les enfants (sic) et les obliger à devenir végétariens (sic), et supprimer « le repas gastronomique français classé par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité ».
La situation est bien plus grave qu’il n’y paraît, comme l’a indiqué le professeur Mouton (ça ne s’invente pas), vétérinaire, sur les ondes d’Europe 1, nous apprenant ainsi que certains de ses confrères taisent ce qu’ils voient car « ils ont des familles ».
Mais en face de quelle mafia sommes-nous, qui est à l’origine de cet « océan de souffrance » et de ces pressions dont il est fait état du bout des lèvres de peur des représailles ?
On attend du ministre, pour le moins, une enquête sur ces pressions, et un contrôle renforcé de tous les abattoirs, qui ne serait que le début d’une politique plus large visant à repenser toute la filière, en prenant en compte la nécessaire et incontournable diminution de notre consommation de viande.
C’est le scandale de trop, l’image de trop qui fera basculer l’opinion, et influer sur le cours des choses ?