Voici peut-être le commentaire le plus éclairant sur la crise qui secoue l’Eglise catholique depuis le témoignage de Mgr Carlo Maria Viganò. Il nous vient du cardinal Oscar Andrés Rodriguez Maradiaga qui était interrogé à propos des relations homosexuelles de l’ex-cardinal McCarrick avec des séminaristes, que le pape François a été accusé de « couvrir » et même de rétablir en grâce au point d’en faire son conseiller lorsqu’il a donné leurs chapeaux aux cardinaux Tobin et Cupich aux Etats-Unis. Maradiaga a déclaré lors d’un entretien avec Religión Digital : « Faire de quelque chose d’ordre privé un gros titre en forme de bombe qui éclate dans le monde et dans les fragments font du tort à la foi de nombreuses personnes ne me paraît pas correct. Je pense qu’une affaire de nature administrative devrait être évoquée en public avec des critères plus sereins et plus objectifs, et non avec une charge négative d’expressions très amères. »
On retrouve ici, mais cette fois très clairement exprimée par une des plus hautes autorités de l’Eglise dans l’organigramme de François, l’idée que les pratiques homosexuelles habituelles avec des adultes relèvent tout au plus de la transgression morale individuelle, du péché ordinaire qui n’a pas à être étalé sur la place publique – et encore !
Les prédations homosexuelles du cardinal McCarrick, une affaire privée ?
Car le cardinal Maradiaga ne parle nullement de péché ; il évoque de manière extrêmement neutre « quelque chose d’ordre privé », et de manière plus détachée encore une « affaire de nature administrative ». Il en ressort l’impression d’une sorte de problème de paperasserie qu’on règle entre soi, de quelque chose qu’il vaut mieux garder caché comme si l’affaire n’avait aucune incidence sur le bien commun de l’Eglise.
Si la prédation sexuelle sur des hommes jeunes du fait d’un évêque et d’un prince de l’église en position d’autorité n’est donc qu’une chose « d’ordre privé », on se demande à quel moment on peut parler d’affaires d’ordre public. Pour comprendre la remarque du cardinal Maradiaga il faut sans doute comprendre ces mots-là à l’aune du vocabulaire des pénalistes. Ce qui est d’ordre public, c’est le délit ou le crime dont la sanction et la réparation sont justifiées par l’atteinte à cet ordre qui dépasse les intérêts privés. La faute civile, qui porte atteinte aux droits de l’individu sans constituer la transgression d’une loi interdisant un acte délictueux ou criminel, n’est pas poursuivie par les autorités publiques. A la victime d’en faire établir l’existence et d’en demander réparation. La faute d’ordre publique est poursuivie et sanctionnée que la victime s’en plaigne ou non. Elle a causé un désordre qui atteint la société en tant que telle.
Le cardinal Maradiaga lui aussi préfère le silence !
Imposer des relations sexuelles contre nature à des hommes sur lesquels il avait autorité ou à tout le moins un ascendant avéré, quitte à obtenir leur consentement au moins apparent – ce qu’a fait, précisément, et de manière répétée, le cardinal McCarrick – ne serait à cette aune qu’un petit péché entre amis. Pas de crime au sens de la loi ? Pas de problème au sens de l’Eglise…
C’est une incroyable perte du sens de la chasteté sacerdotale, de la souillure que cela représente, souillure particulièrement grave dans la mesure où elle affecte des hommes qui se donnent à Dieu et qu’elle va les entraîner dans une double vie de mensonges et de minimalisation du mal.
Le cardinal Maradiaga répondait aussi à la question de savoir s’il existe un lobby gay au Vatican. « J’ai l’impression que le concept de lobby gay au Vatican est démesuré. C’est quelque chose qui existe bien davantage à travers l’encre des journaux que dans la réalité. Il est évident pour moi que l’objectif de toutes ces expressions chargées de venin, ces calomnies, et de porter atteinte au Saint-Père. S’il n’y a pas de foi, les acteurs de ce cirque médiatique ne renonceront pas à leurs calomnies. »
Les relations homosexuelles d’évêques et de cardinaux ne portent donc pas atteinte à ordre public de l’Eglise !
Voilà qui est totalement logique si l’activité homosexuelle entre adultes et même la prédation homosexuelle ne sont que des fautes privées pour lesquelles on n’a de toute façon pas besoin de « couverture », de protection… ou de cooptation particulières.
Ce que demande Maradiaga, c’est une adhésion sans condition au pape François, dont il précise au cours de son entretien : « Je crois que le pape est un homme de Dieu qui agit toujours avec foi et sagesse. »
Rappelons que le cardinal Maradiaga a été choisi par le pape pour faire partie de son cercle de gouvernement le plus proche, le fameux C9 dont il est d’ailleurs le président – le prélat hondurien peut être considéré comme le conseiller privilégié du pape François. Exactement sur la même ligne ?
Jeanne Smits – RITV