Artemisia Gentileschi n’est pas très connue en France : aucun musée n’en possède de tableaux. Elle est mieux connue en Italie et surtout aux Etats-Unis où elle est devenue depuis une trentaine d’années une icône féministe. En effet, c’est bien en raison de sa condition de femme qu’elle fut confrontée à une forme de coalition masculine : son père, son amant, le juge et le bourreau. Elle dut subir les affres d’un procès humiliant et violent, car son père avait porté plainte contre l’homme avec lequel elle avait une liaison. Il l’accusait d’avoir défloré sa fille de force, portant ainsi atteinte à son propre honneur. Malgré son jeune âge (elle avait à peine dix-neuf ans au moment du procès), Artemisia possédait déjà du talent et du caractère et elle sut transformer le traumatisme subi en une source de création. On ne peut ainsi qu’approuver les femmes du XXe siècle qui, dans leur lutte contre la misogynie, l’ont choisie comme emblème.
Artemisia est née à Rome en 1593 et morte à Naples en 1653. Elle connut une grande renommée de son vivant, voyageant de Rome à Florence, et de Naples à Londres. Aujourd’hui, c’est principalement dans ces villes que l’on peut voir ses tableaux.
Son père, Orazio Gentileschi, était un peintre reconnu et apprécié, grand ami du Caravage en compagnie duquel il eut parfois maille à partir avec les forces de l’ordre. Artemisia étudia la peinture dans l’atelier de son père, et c’est là qu’il l’initia à la révolution caravagesque. Elle-même ne put rencontrer Le Caravage en personne, à l’époque où elle commençait à peindre, car il avait quitté Rome en 1606 quand Artemisia n’avait encore que treize ans ; elle en avait dix-sept au moment de sa mort en 1610.
Comme chez le Caravage, les personnages peints par Artemisia, même lorsqu’ils représentent des héros mythiques, ne sont pas idéalement beaux. On retrouve chez eux les traits saillants de la vie courante. Ce sont des personnages romanesques surpris en pleine action. Le tableau est comme un instantané d’une saynète dont on peut imaginer ce qui précède et ce qui va suivre. On doit y croire : « Le vrai plus que le beau », telle était la profession de foi du Caravage. Tout dans la construction très vivante du tableau et dans l’expression des visages conduit au naturalisme dans la fiction. Artemisia s’inspire également de la pratique du clair-obscur inventée par le Caravage : jeux d’ombres et de lumières, qui accentuent le côté dramatique des scènes représentées.
Comme Le Caravage, Artemisia est progressivement tombée dans l’oubli pendant près de deux siècles. Roberto Longhi, le critique d’art italien du début du XXe siècle, à qui l’on doit la redécouverte du Caravage, a permis qu’on s’intéresse de nouveau à elle. Dans un ouvrage paru en 1916 (Gentileschi padre e figlia) il écrivait même que « Artemisia était la seule femme en Italie qui ait su ce qu’était la peinture »