Que Nicolas Sarkozy participe, aux côtés d’Emmanuel Macron, à la célébration des 75 ans du débarquement en Provence n’a rien d’étonnant. Il n’est pas surprenant d’inviter à de telles cérémonies d’anciens Présidents. Plus étonnante, l’absence de François Hollande, dont l’entourage souligne « une incompatibilité avec son agenda ». Une balade en scooter ou en pédalo avec sa belle ? Quoi qu’il en soit, Macron, qui cherche à se « déshollandiser », a tout à gagner à n’avoir auprès de lui que Sarkozy.
Procédons d’abord à une rectification historique. La plupart des médias, tout comme notre Président, ont insisté sur le rôle de nos anciennes colonies : « La France a une part d’Afrique en elle », a déclaré Macron dans son discours, devant les présidents de Côte d’Ivoire et de Guinée. Mais peu se sont interrogés sur la présence, dans cette opération, de l’armée d’Afrique et de la Marine française, qui étaient, jusque-là, restées majoritairement loyalistes et fidèles au maréchal Pétain. Il faudrait, sans doute, revoir l’histoire officielle de cette période pour comprendre que la résistance à l’occupation allemande ne passait pas nécessairement par le ralliement à de Gaulle.
Nicolas Sarkozy a toujours eu de la sympathie pour le chef de l’État actuel. Dans son best-seller de l’été, Passions, il se félicite de la « cordialité » du dîner privé auquel il a été convié à l’Élysée, en juillet 2017, avec son épouse Carla Bruni. Il précise que le dîner fut « d’autant plus agréable » que Brigitte Macron déclara en préambule : « J’ai toujours eu de la sympathie pour vous et je ne le regrette pas. » Il reconnaît avoir été « sensible à la sincérité et la simplicité de Brigitte Macron », ajoutant que « c’est une femme de qualité ».
Mais, au-delà des formules mondaines de politesse – il n’allait tout de même pas dire qu’il trouvait son couple plus assorti –, au-delà de l’attirance qu’il peut éprouver pour un homme intelligent et sûr de lui, Nicolas Sarkozy fait un calcul politique qui pourrait se retourner contre lui et son ancien parti. Certes, il montre que, malgré ses multiples déclarations sur son abandon de la vie politique, il n’est jamais très loin. Certes, l’action économique du gouvernement ne lui déplaît pas. Mais trop de complaisance envers Macron ne peut que nuire à son ancien parti, Les Républicains, et le décrédibiliser lui-même.
Vous me direz que beaucoup de LR n’ont pas attendu Sarkozy pour retourner leur veste. Plus ou moins vite, selon leur tempérament et leur intérêt. Des ralliés de la première heure jusqu’aux plus récents, comme Jean-Pierre Raffarin et tous ces élus qui voudraient bien bénéficier de l’onction LREM pour les municipales. Sans compter son petit protégé, Gérald Darmanin, qu’il aurait encouragé à accepter Bercy. Pour être un loup dans la bergerie ou un cynique transfuge ? À chacun d’en décider ! Avouez que trop de complaisance à l’égard du camp macronien ne contribue pas à clarifier les positions.
Chez Les Républicains, il est une irréductible, qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. C’est Rachida Dati qui, à défaut de posséder une potion magique, sait sortir ses griffes quand il le faut. Selon Le Monde du 14 août, le maire du 7e arrondissement de Paris, qui se verrait bien remplacer Anne Hidalgo en mars 2020, met en garde Sarkozy sur les intentions qu’elle prête au locataire actuel de l’Élysée : « Vous pensez qu’il vous aime, mais il vous neutralise. » N’a-t-elle pas visé juste ? On ne savait pas que la naïveté caractérisait l’ancien Président mais, comme il confie être sensible à la flatterie, tout est possible !
Philippe Kerlouan – Boulevard Voltaire