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Guibord s’en va-t-en guerre est une comédie politique canadienne parfaitement réussie. A travers les aventures du député fédéral indépendant Guibord, élu d’un canton perdu du Grand-Ouest du Québec, et ses rencontres, du premier ministre canadien conservateur – ce qui correspond historiquement à la majorité précédente – à ses électeurs, le film illustre la difficulté de l’exercice de la chose publique.
Le spectateur croit vraiment se trouver devant une pièce d’Aristophane, comme sur les théâtres de l’Athènes antique, cadre d’une démocratie au fonctionnement concret déjà souvent déroutant. Les scènes sont vraiment drôles, et construisent une satire fort juste de la vie politique en démocratie nominale, de façon générale et de la vie politique du Canada en particulier. Le cadre québécois et canadien, ô combien complexe pour un non-initié, est exposé par des cartes et les explications de l’inattendu nouvel assistant du député Guibord, un stagiaire de Science-Po Port-au-Prince. Il explique régulièrement les actions de son employeur via Skype à ses correspondants dans la capitale haïtienne. Ces précisions régulières sont donc précieuses pour le public français. Du reste, les Canadiens eux-mêmes s’y perdent dans les distinctions pas toujours claires et nettes entre les compétences fédérales et les compétences provinciales.
Guibord s’en va-t-en guerre séduit par son humour constant et sa réflexion sur les démocraties
Le député Guibord est un brave homme. Il se veut à l’écoute des populations de sa circonscription, un canton peu dense et plus vaste pourtant que la République d’Haïti. Il se déplace donc régulièrement sur des centaines et des centaines de kilomètres entre les trois petites villes de sa circonscription, et la réserve indienne. Il essaie de soutenir tout le monde, de ne surtout mécontenter personne, ce qui peut s’avérer impossible, comme lorsque les Indiens bloquent l’unique route de la région, provoquant un blocus de fait insupportable pour les habitants d’une ville isolée et les camionneurs…Déjà plus qu’ennuyé avec ce problème local, il découvre stupéfait qu’il risque d’avoir une voix décisive au parlement dans un vote pour l’entrée en guerre du Canada pour « libérer » un pays du Proche-Orient. La politique internationale lui échappe. Qu’en pensent ses électeurs ? Il décide de les consulter directement. Les assemblées de démocraties locales ne seront guère concluantes. La politique, loin de l’exercice noble qu’elle devrait être, ne serait-elle qu’un jeu de manœuvres occultes opérées par des manipulateurs d’opinions ?
Certaines scènes, comme dans Aristophane déjà, tiennent parfois un peu trop de la farce. Mais l’ensemble de Guibord s’en va-t-en guerre, avec son humour constant, séduit et conduit en effet à réfléchir sur le mode de prise de décision réel dans les Etats dits démocratiques et fiers de l’être.