Qui était Monseigneur Dupanloup?

Les éditions Déterna viennent de rééditer Monseigneur Dupanloup. Biographie et souvenirs, le livre introuvable de J. Hairdet (ancien directeur de la revue La Défense).

— Pourquoi s’intéresser à un tel évêque du XIXe siècle ?

— D’abord pour réparer une injustice : de nos jours, l’évêque d’Orléans (1802-1878) est principalement connu comme héros d’une chanson paillarde, alors que rien dans son existence, ni dans ses actions ni dans ses paroles, ne le justifie. « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose » : ses ennemis, fort nombreux, ont appliqué cet adage avec un grand machiavélisme pour salir sa mémoire ; cela a fonctionné au-delà, sans doute, de toutes leurs espérances, à travers les décennies.

— Il est tout de même connu également comme propagateur du culte de Jeanne d’Arc.

— C’est vrai, mais, hélas ! Beaucoup moins tout de même… Sans doute parce que la canonisation de la sainte ne s’est réalisée que 42 ans après sa disparition. Mais aurait-elle eu lieu sans qu’il lance ses procès en béatification, puis en canonisation ? Il avait appelé ainsi solennellement à cette dernière en lui consacrant deux panégyriques, en 1855 et en 1869.

— Mgr Félix Dupanloup a-t-il joué un rôle important dans les affrontements politiques et religieux de son temps ?

— Oui, nommé évêque d’Orléans en 1849, il a été une des figures de proue du catholicisme libéral, combattant avec force les positions les plus intransigeantes : il fit même partie de la minorité qui, lors du concile Vatican I, s’opposa à l’infaillibilité du pape. Il sera également chargé du séminaire préparatoire de Saint-Nicolas-du Chardonnet ; deux cents élèves s’y mêlaient alors, quelle que fût leur condition sociale. Même Renan, ennemi de Duapanloup, qui y fut élève, a reconnu que ce mélange fut un succès. « L’idée que le talent primait tout le reste étouffait les divisions et, au bout de huit jours, le plus pauvre garçon débarqué de province, gauche, embarrassé, s’il faisait un bon thème ou quelques vers latins bien tournés, était l’objet de l’envie du petit millionnaire qui payait sa pension sans s’en douter », écrit-il.

Quant à son activité politique, elle fut tout aussi importante : sous la IIe République, il fut de ceux qui préparèrent la loi Falloux sur l’enseignement (1850). Elu député en 1871, il s’associa à la tentative de restauration de la monarchie, puis devint en 1875 sénateur inamovible.

— Qui furent ses ennemis acharnés ?

— Ennemis acharnés et irréductibles : Ernest Renan, Hippolyte Taine et le Dr Emile Littré, un des membres les plus actifs du Grand Orient, viscéralement anti-catholique… Mgr Dupanloup démissionna d’ailleurs de l’Académie française (où il était entré en 1854) lorsque ce dernier y fut élu en 1872.

Les libéraux-républicains (les capitalistes) l’attaquèrent, lui le chrétien-social, comme ils attaquèrent Lamennais, Montalembert et Ozanam, chefs des « catholiques sociaux », qui luttaient contre le travail des enfants, les horaires de surmenage et les bas salaires…

— C’est lui qui recueillit les dernières paroles de Talleyrand…

— Oui, il commençait ainsi, à 36 ans, son ministère en écoutant la confession d’un évêque octogénaire excommunié, marié et sécularisé ! L’opinion publique, alors, ne crut pas beaucoup dans la sincérité de ce retour en religion du célèbre diplomate, mais l’abbé Dupanloup avait exigé de lui une rétractation extrêmement claire, cela peut donc paraître vraisemblable.

— Son enterrement fut l’occasion d’une manifestation importante.

— Et comment ! Un train spécial de Paris a dû être organisé, sur la demande du préfet du Loiret, en prévision de l’affluence qui devait avoir lieu à la cérémonie… L’Eglise, bien évidemment, se rassembla pour lui rendre un dernier hommage et la presse a été quasi unanime à déplorer sa disparition, en France mais également dans toute l’Europe…

• Monseigneur Dupanloup. Biographie et souvenirs de J. Hairdet, éditions Déterna, collection « Documents pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 134 pages, 23 euros.

(Disponible À la Librairie Présent 5 rue d’Amboise 75 002 Paris ; ajouter 5 euros de frais de port).

Lu dans Présent

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