Déjà « condamné » à traîner le boulet Ferrand, le Premier ministre a réalisé cette semaine qu’il avait en outre un caillou dans sa chaussure : un garde des Sceaux qui, non content d’être lui aussi mêlé à une enquête préliminaire, se permet en plus de « sermonner » la presse. Une initiative peu appréciée par Edouard Philippe, qui s’est empressé de recadrer un Bayrou récalcitrant, et qui pourrait bien coûter son maroquin au chef du MODEM une fois les législatives passées.
« Tentatives d’intimidation »
A l’origine de cette prise de bec, un coup de téléphone passé le 7 juin par Bayrou à Jacques Monin, directeur de la cellule investigations de Radio France, pour se plaindre de l’enquête menée par ses journalistes sur les emplois de salariés permanents du MODEM qui auraient été payés avec l’argent du Parlement européen. Un coup de fil qui, selon Monin, aurait été accompagné de menaces à peine voilées, Bayrou précisant qu’il étudiait « avec ses avocats, la possibilité d’une qualification de harcèlement ». Médiapart ayant révélé vendredi cet appel, Bayrou a reconnu les faits, en récusant cependant toute accusation de « menaces » et de « tentative d’intimidation », et en expliquant être intervenu « comme un simple citoyen ». Possible. Mais quand le garde des Sceaux en personne décroche son téléphone, cela sonne tout de même un peu comme une menace…
Aussi, n’importe quel ministre doté d’un tant soit peu de sagesse aurait opté pour davantage de prudence. Mais un Bayrou, comme dirait Audiard, ça ose tout. C’est même à cela qu’on le reconnaît. Revenant donc à la charge mardi sur CNews, celui-ci a alors déclaré qu’en devenant garde des Sceaux, il n’entendait pas être « le muet du sérail ».
Un Bayrou devenu inutile
Autant d’interventions qui ont fini par faire sortir de ses gonds un Premier ministre un peu inquiet devant le nombre de membres de son gouvernement affublés de casseroles et, surtout, la publicité faite par les médias autour de ces affaires. Aussi, invité le jour même sur France Info, Edouard Philippe, désapprouvant officiellement l’initiative de Bayrou, a-t-il expliqué que « quand on est ministre, on ne peut plus réagir comme quand on est un simple citoyen ». Un rappel à l’ordre qui n’a toutefois pas empêché Bayrou de répondre mardi qu’il comptait bien garder sa liberté de parole.
Bref, une querelle qui fait dire à certains que Bayrou pourrait bien être écarté du gouvernement après les législatives. Certes, si l’on en croit le compte rendu du Conseil des ministres de mercredi dressé par Castaner, « la situation est totalement pacifiée ». Certes, il reste encore le second tour des législatives. Mais, comme l’écrivait Laurent Bodin, dans l’Alsace, « vu l’ampleur de la vague Macron annoncée à l’Assemblée, le MODEM n’apparaît plus incontournable ».