Les chauves-souris préfèrent les mâles aux voix aiguës!

Chez les chauves-souris Rhinolophus mehelyi, les femelles s’accouplent davantage avec les mâles aux cris plus aigus. Ce phénomène de sélection sexuelle aurait conduit à l’accroissement des fréquences émises.Imaginez la voix de Barry White retentissant dans le noir. Vous trouvez cela d’une folle sensualité ? Eh bien, chez les chauves-souris, et en particulier chez le rhinolophe de Mehely (Rhinolophus mehelyi), une voix aussi grave affaiblirait considérablement le succès reproductif de son émetteur. Sébastien Puechmaille, de l’Institut Max Planck d’ornithologie, à Seewiesen, en Allemagne, et ses collègues ont montré que les femelles de cette espèce préfèrent les mâles aux cris plus aigus (dont les fréquences sont plus élevées), ce qui aurait conduit, au fil de l’évolution, à l’augmentation des fréquences émises.

La plupart des chauves-souris sont nocturnes et ont développé un système performant d’écholocalisation : elles émettent des cris et se fondent sur les échos renvoyés pour localiser leurs proies. Ce système est soumis à une forte pression de sélection, de par son utilité pour la survie. Peut-il malgré tout être influencé par les préférences des femelles ? Un tel phénomène, qualifié de sélection sexuelle par Darwin, explique notamment la queue démesurée des paons.

Les éthologistes se sont intéressés aux rhinolophes de Mehely, qui vivent notamment dans le Sud de l’Europe et en Bulgarie, car leurs cris d’écholocalisation sont plus aigus qu’on ne l’attendrait pour des animaux de cette taille. En outre, plus les cris sont aigus, plus ils sont atténués par l’air, et donc moins ils portent loin. Ceux de ces chauves-souris ne seraient donc pas optimaux pour la chasse. Dès lors, les chercheurs soupçonnaient un impact de la sélection sexuelle.

Afin de tester les préférences des femelles, ils les ont placées dans des enceintes expérimentales, où ils ont diffusé plusieurs centaines de cris d’écholocalisation par deux haut-parleurs. L’un de ces derniers émettait systématiquement des cris plus graves que l’autre. Les éthologistes ont alors constaté que plus un haut-parleur émettait des cris aigus, plus souvent les femelles le choisissaient au détriment de l’autre.

Pour confirmer que les hautes fréquences accroissent le succès reproductif, les chercheurs ont mené une analyse génétique au sein d’une population sauvage de chauves-souris, où ils ont établi les relations de parenté. Ils ont conclu que les mâles avaient eu d’autant plus de succès reproductif que leurs cris étaient aigus.

Les femelles préfèrent donc bien les cris aigus, ce qui aurait conduit à la sélection, au fil des générations, d’animaux émettant à des fréquences de plus en plus élevées. C’est le premier exemple connu de sélection sexuelle sur les cris d’écholocalisation des chauves-souris. Ce phénomène aurait même inversé la tendance des animaux à produire des cris d’autant plus graves qu’ils sont gros : S. Puechmaille et ses collègues ont montré que chez ces chauves-souris, plus le mâle est grand et massif, plus ses cris sont aigus. En choisissant les hautes fréquences, les femelles s’accouplent donc avec les compagnons les plus robustes…

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