Le dimanche 17 mai, le Pape François canonisa quatre bienheureuses qui furent, après les Apôtres, de vrais témoins de la Résurrection du Christ. D’après le discours de saint Pierre pour le choix de saint Matthias comme successeur de Judas, être témoin de la résurrection demeurait la première condition pour être Apôtre du Christ. Saint Paul qui n’avait pas rempli cette condition, le devint par sa rencontre éblouissante avec Jésus ressuscité qui provoqua sa conversion aux portes de Damas.
Comme le souligne le Pape, notre foi est directement liée à ce témoignage. Et jusqu’à la fin des temps, à la suite des Apôtres, les saints seront jusqu’au bout du monde les témoins de cette Résurrection. Et le secret des saints, celui des quatre nouvelles canonisées en particulier, est alors d’avoir été ces témoins jusqu’à l’héroïcité des vertus, souvent dans des temps pénibles et des milieux hostiles à la foi et à la morale.
Jeanne-Émilie de Villeneuve, fondatrice de la congrégation de Notre-Dame de l’Immaculée Conception de Castres, fit de l’attention aux pauvres, surtout les prisonniers ou les prostituées, sa priorité. Marie Christine Brando, napolitaine qui avait manifesté dès son plus jeune âge son désir de devenir une sainte, fonda la Congrégation des sœurs expiatrices de Jésus Sacrement, centrée autour de l’adoration eucharistique et de l’expiation des péchés. Marie-Alphonsine Ghattas, après avoir reçu de nombreuses apparitions de la Vierge, fonda la congrégation du Rosaire et termina ses jours à Jérusalem, dans une vie de prière. Les œuvres de miséricorde, que nous devons à leur exemple pratiquer, furent pour ces trois saintes leur témoignage du Christ ressuscité.
Marie de Jésus Crucifié, dont les dates (1846-1878) correspondent exactement à celles de Pie IX, orpheline à deux ans, fut invitée par son tuteur à passer à l’islam. Refusant par une admirable profession de foi, un coup de cimeterre lui trancha la gorge. Elle reprit vie dans une grotte, soignée par la Vierge Marie sous l’apparence d’une religieuse. Entrée au Carmel de Pau, elle partit pour fonder le carmel de Bethléem. Le temps passé là fut un douloureux calvaire et un long martyre d’amour. Comblée de charismes mystiques, elle mena la vie contemplative avec une charité extraordinaire. Parmi ses charismes spirituels, on doit sans aucun doute mentionner sa dévotion à l’Esprit Saint qui lui permit, bien qu’illettrée, de donner conseils et explications théologiques avec une grande clarté. Cela évoque une idée chère à Benoît XVI, qui disait en 2009 : « Il y a de grands théologiens, des maîtres de la foi, qui ont pénétré dans les détails de l’Écriture Sainte, de l’histoire du salut, mais ils n’ont pas pu voir le mystère lui-même. L’essentiel est resté caché! En revanche, il y a aussi à notre époque des petits qui ont connu ce mystère. Nous pensons à sainte Bernadette Soubirous; à sainte Thérèse de Lisieux, avec sa nouvelle lecture de la Bible non scientifique, mais qui entre dans le cœur de l’Écriture Sainte; jusqu’aux saints et bienheureux de notre époque: sainte Joséphine Bakhita, la bienheureuse Teresa de Calcutta, saint Damien de Veuster ». La nouvelle sainte carmélite arabe s’inscrit certainement dans cette liste, comme le souligne le Pape François dans son homélie. Elle en fait partie parce qu’elle est demeurée en Jésus et Marie. On ne reviendra pas sur ce thème expliqué il y a peu. Demandons simplement à la Vierge de Cana de demeurer toujours dans l’amour grâce à elle. C’est uniquement ainsi que, comme Moïse et plus encore comme elle, nous pourrons dès ici-bas contempler l’invisible.
L’homélie du Pape :
Les Actes des Apôtres nous ont présenté l’Église naissante au moment où elle élit celui que Dieu a appelé à prendre la place de Juda dans le Collège des Apôtres. Il ne s’agit pas d’assumer une charge mais un service. En effet Matthias, sur qui le choix est tombé, reçoit une mission que Pierre définit ainsi : « Il faut que quelqu’un (…) devienne, avec nous, témoin de sa résurrection » – de la résurrection du Christ (Ac 1, 21-22). Il résume par ces mots ce que signifie faire partie des Douze : cela signifie être témoin de la résurrection de Jésus. Le fait qu’il dise « avec nous » fait comprendre que la mission d’annoncer le Christ ressuscité n’est pas une tâche individuelle : elle est à vivre de manière communautaire, avec le collège apostolique et avec la communauté. Les Apôtres ont fait l’expérience directe et merveilleuse de la résurrection ; ils sont les témoins oculaires de cet événement. Grâce à leur témoignage autorisé beaucoup ont cru; et, de la foi au Christ ressuscité sont nées et naissent continuellement les communautés chrétiennes. Nous aussi, aujourd’hui, nous fondons notre foi au Seigneur ressuscité sur le témoignage des Apôtres parvenu jusqu’à nous par la mission de l’Église. Notre foi est liée solidement à leur témoignage comme à une chaine ininterrompue déployée au cours des siècles, non seulement par les successeurs des Apôtres, mais par des générations et générations de chrétiens. A l’imitation des Apôtres, en effet, tout disciple du Christ est appelé à devenir témoin de sa résurrection, surtout dans les milieux humains où l’oubli de Dieu est plus fort ainsi que le désarroi de l’homme.
Demeurer dans le Christ
Pour que cela se réalise, il faut demeurer dans le Christ ressuscité et dans son amour, comme nous l’a rappelé la Première Lettre de Jean : « Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » (1Jn 4, 16). Jésus l’avait répété avec insistance à ses disciples : « Demeurez en moi…Demeurez dans mon amour » (Jn 15, 4.9). C’est le secret des saints : demeurer dans le Christ, unis à lui comme les sarments à la vigne, pour porter beaucoup de fruit (cf. Jn 15, 1-8). Et ce fruit n’est autre que l’amour. Cet amour resplendit dans le témoignage de sœur Jeanne Emilie de Villeneuve, qui a consacré sa vie à Dieu et aux pauvres, aux malades, aux prisonniers, aux exploités, devenant pour eux et pour tous signe concret de l’amour miséricordieux du Seigneur.
La relation avec Jésus ressuscité est, pour ainsi dire, l’ « atmosphère » dans laquelle vit le chrétien et dans laquelle il trouve la force de rester fidèle à l’Évangile, même au milieu des obstacles et des incompréhensions. « Demeurer dans l’amour » : sœur Maria Cristina Brando l’a fait également. Elle a été complètement conquise par l’amour brûlant pour le Seigneur ; et, de la prière, de la rencontre cœur à cœur avec Jésus ressuscité, présent dans l’Eucharistie, elle recevait la force de supporter les souffrances et de se donner comme pain rompu à beaucoup de personnes loin de Dieu et affamées d’amour authentique.
Le témoignage de l’unité
Un aspect essentiel du témoignage à rendre au Seigneur ressuscité est l’unité entre nous, ses disciples, à l’image de celle qui subsiste entre Lui et le Père. Et la prière de Jésus à la veille de sa passion résonne encore aujourd’hui dans l’Évangile : « Qu’ils soient un comme nous-mêmes » (Jn 17, 11). De cet amour éternel entre le Père et le Fils, qui se répand sur nous par l’Esprit Saint (cf. Rm 5, 5), notre mission et notre communion fraternelle prennent de la force ; de là jaillit toujours nouvelle la joie de suivre le Seigneur sur la voie de sa pauvreté, de sa virginité et de son obéissance ; et ce même amour appelle à cultiver la prière contemplative. Sœur Marie Baouardy l’a expérimentée de manière très élevée, qui humble et illettrée, a su donner des conseils et des explications théologiques avec une grande clarté, fruit du dialogue continuel avec le Saint Esprit. La docilité à l’Esprit Saint l’a rendue aussi instrument de rencontre et de communion avec le monde musulman. De même aussi sœur Marie Alphonsine Danil Ghattas a bien compris ce que signifie irradier l’amour de Dieu dans l’apostolat, en devenant témoin de douceur et d’unité. Elle nous offre un exemple clair de l’importance de nous rendre responsables les uns des autres, de vivre l’un au service de l’autre.
Demeurer en Dieu et en son amour, pour annoncer avec les paroles et avec la vie la résurrection de Jésus, en témoignant l’unité entre nous et l’amour envers tous. C’est ce qu’ont fait les quatre saintes proclamées aujourd’hui. Leur exemple lumineux interpelle aussi notre vie chrétienne : comment suis-je témoin du Christ ressuscité ? C’est une question que nous devons nous poser. Comment est-ce que je demeure en lui, comment est-ce que je demeure en son amour ? Suis-je capable de « semer » en famille, dans le milieu de travail, dans ma communauté, la semence de cette unité qu’il nous a donnée, nous y faisant participer par la vie trinitaire.
Retournant aujourd’hui à la maison, portons avec nous la joie de cette rencontre avec le Seigneur ressuscité ; cultivons dans le cœur l’engagement à demeurer dans l’amour de Dieu, restant unis à lui et entre nous, et suivant les traces de ces quatre femmes, modèles de sainteté, que l’Eglise nous invite à imiter.
Lu dans L’homme nouveau