L’EI: nouvelle armée rouge?

 

Chacun connaît l’histoire : octobre 1917 (calendrier julien), une infime minorité bolchevique très organisée réussit à prendre le pouvoir dans un contexte d’effondrement total de l’autorité au sein d’une armée russe minée par le rejet de la guerre, par le mépris des officiers pour leurs soldats et par le travail de sape de révolutionnaires professionnels.
On s’intéresse souvent moins à la suite : les mesures d’« organisation » économique prises immédiatement par le pouvoir soviétique engendrent très vite des pénuries qui conduisent des paysans et d’autres catégories de la population à se soulever dans de nombreux endroits de l’Empire russe. Des armées blanches se créent tant bien que mal, elles-mêmes mal organisées, mal encadrées, en conflit entre elles. Ces armées blanches mettent tout de même en péril le nouveau pouvoir, devenu soudain très impopulaire après avoir été plébiscité, et l’obligent à s’organiser sur le plan militaire.
Et c’est là que cette création d’une armée qui finira par vaincre ses opposants frappe par sa similitude avec l’émergence, à partir de rien, des hordes victorieuses de l’État islamique.
En effet, Trotski réussit à persuader un Lénine réticent de s’appuyer sur des anciens officiers de l’armée du tsar, de la même façon que l’État islamique a pu bénéficier des cadres de l’ancienne armée de Saddam Hussein, dont le licenciement par les Américains après la chute de ce dernier aura été une tragique erreur. Il introduit dans l’Armée rouge une discipline de fer, à l’opposé exact du laxisme que les bolcheviques avaient imposé pour saper le moral et les structures de commandement de l’armée tsariste. Il sillonne les fronts dans son train blindé, et n’hésite pas à fusiller massivement les responsables des unités peu vaillantes et les troupes tentées par le repli ou la désertion.
Et il instaure un régime de terreur qui trouve son reflet exact dans ce que nous observons aujourd’hui dans les territoires conquis ou convoités par l’État islamique. La ville de Yaroslav, coupable d’avoir rallié les socialistes révolutionnaires, est rasée par l’artillerie rouge, et une partie des survivants fusillée.
Les régions qui résistent encore sont infiltrées par des agitateurs communistes et soumises à une propagande destinée à démoraliser la population.
Pendant ce temps, face à des armées aux moyens pourtant assez archaïques, l’occident délibère, ne parvient pas à se mettre d’accord sur une véritable stratégie et fait intervenir dans le désordre des unités militaires sans coordination.
Et quand, en 1921, les troupes communistes conquièrent l’Arménie et la Géorgie, dont l’indépendance avait pourtant été consacrée par des traités, l’indignation est à son comble en Europe et la Société des nations proteste, mais l’Occident n’intervient pas.
On connaît la suite. Soixante-dix ans de menace soviétique et la moitié de l’Europe asservie pendant près de cinquante ans.
Souhaitons-nous recommencer ?

Jacques Sicherman – Boulevard Voltaire

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