La révolution numérique met toutes les musiques gratuitement à portée de clic, magnifique vous direz, mais les musiciens qui essayent d’en vivre voient les choses autrement. Le groupe britannique Portishead a récemment précisé que les 34 millions d’écoute de ses enregistrements en ligne sur les sites de streaming (Youtube, Spotify…) lui ont rapporté… 2 000 euros, tandis que les ventes d’albums s’effondrent. Obsolescence d’un modèle incapable de s’adapter aux nouvelles technologies. Le quota de CD nécessaire pour obtenir les distinctions est revu à la baisse (disque d’Or à 100 000 en 2006, 50 000 actuellement). Et encore, le décompte étant fait à partir des albums livrés dans les magasins et non des ventes réelles, avec le dumping les chiffres ne veulent plus rien dire.
Mais tout n’est pas désespéré car si le virtuel disjoncte, le réel – en matière de musique il s’agit des concerts, du contact direct avec le public – continue de fonctionner, sans que tout soit réjouissant. Le Hellfest de Clisson devient le 2e festival de France. Les commerçants sont très contents mais les ligues de vertu s’indignent des « groupuscules catholiques » qui ont vandalisé le site le 2 mai dernier. Le Collectif pour un festival respectueux de tous n’a fait que dénoncer l’attribution de subventions publiques à cette « festivité » blasphématoire.
Les médias sont moins prolixes sur le rappeur Lacrim, déjà titulaire de trois ans de prison et en cavale alors qu’il devait être jugé pour détention d’armes. Il profite de la clandestinité pour annoncer dans un clip vidéo la sortie de son nouvel album en juin : « Je ne suis pas innocent, mais je sens que va couler le sang. » Son label, une filiale d’Universal, joue les embarrassés mais se garde bien de rompre avec son « artiste ».
Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat à la Famille, ne doit pas être au courant de l’affaire, elle est trop occupée à juger Patrick Sébastien « limite incestueux » quand il chante « une petite pipe avant d’aller dormir », à 20 h 50 sur France 2 un samedi soir. De fait, on sait qu’elle s’intéresse de près aux enfants depuis qu’elle a déclaré en 2013 que « les enfants n’appartiennent pas à leurs parents ».
Il reste quand même des spectacles audibles comme la comédie musicale Jonas qui sera donnée au Théâtre Montansier à Versailles le 21 juin (réservations 01 39 20 16 00). Et on est content d’apprendre que la Ville de Paris va consacrer 3,7 millions d’euros à la rénovation de ses kiosques. Hauts lieux de la musique à la Belle Epoque et outils de construction du répertoire collectif à la fin du XIXe siècle, ils ont été progressivement délaissés et sont désormais incapables de permettre aux orchestres de jouer, eux qui entretenaient une identité musicale collective.
Lu dans Présent