Jamais il n’y avait eu autant de candidats, en France, pour les élections européennes. Le ministère de l’Intérieur a dévoilé en début de semaine les 194 listes qui seront en lice le 25 mai prochain. Cela fait en moyenne un peu plus de 24 dans chacune des huit circonscriptions françaises.
Mais tous ses candidats n’envisagent pas de remporter l’un des 74 sièges à pourvoir dans l’Hexagone. Beaucoup se présentent dans le seul espoir de faire parler d’eux et de la cause qu’ils défendent.
Rappelons que pour se présenter, il suffisait de rassembler un nombre de candidats équivalent au double du nombre de postes à pourvoir dans la circonscription (9 dans l’Ouest, 15 en Ile-de-France, 5 dans le Centre…), en respectant également la parité. Mais pas besoin de résider dans sa région d’élection. Des conditions assez simples qui rendent possible l’éclosion de listes dont le sérieux fait parfois défaut.
L’Europe de Marrakech à Istanbul
Présentée par le Parti Faire un Tour (PFFT), cette liste est conduite en Ile-de-France par Gaspard Delanoë. Déjà présente en 2009 (1197 voix et 0,04%), elle s’appelait alors “L’Europe de Gibraltar à Jérusalem”. Cette fois encore, le programme est pour le moins iconoclaste: avec un slogan “oui au Maroc, non à la Suisse”, il se compose de quinze points tous aussi loufoques les uns que les autres.
En voici quelques-uns, parmi les moins irréalistes:
- Construction du Pont de Lampedusa (Italie-Tunisie) et du Gibraltar Bridge (Espagne–Maroc) qui permettront d’améliorer la circulation et d’épargner 12.000 vies.
- Création d’îles flottantes en Méditerranée, s’appuyant sur l’existence actuelle de masses rocheuses caractérisées par une forte biodiversité.
- Installation de stations Pédalib’ -pédalos Lib’- dans l’ensemble des villes portuaires de Méditerranée de manière à encourager un mode de transport respectueux de l’environnement, non-stressant et incitant au dialogue entre l’humain et la faune aquatique.
Cannabis sans frontières
Crédité de 0,14% des voix en 2009 après avoir rassemblé plus de 4000 votes, Farid Ghehiouèche a relancé la liste “Cannabis sans frontières, stop la prohibition”. Comme son nom le laisse entendre, les candidats (beaucoup étaient membres du Cannabis Social Club qui a été dissout en juin 2013) militent pour la légalisation de la marijuana et “la distribution contrôlée de toutes les substances qui posent problème“.
Ainsi qu’il est stipulé sur leur site internet, le programme complet de cette liste reprend le “Manifeste européen” d’ENCOD (coalition européenne pour des politiques justes et efficaces en matière de drogue).
Citoyens du vote blanc
Les citoyens du vote blanc sont parvenus à créer six listes présentes dans le Nord-ouest, l’Ouest, l’Est, le Sud-ouest, le Centre et l’Ile-de-France. Pour eux, la récente loi sur la reconnaissance du vote blanc n’est pas suffisante car ces bulletins seront seulement comptabilisés à part des bulletins nuls mais ils ne seront pas pris en compte dans les suffrages exprimés. “Nos listes se présentent comme une alternative au vote sanction qui alimente artificiellement les partis extrémistes. Elles se posent comme une réponse aux électeurs qui se réfugient dans une abstention civique qui n’a aucune influence sur le résultat du scrutin”, explique la charte du mouvement.
En cas d’élection d’un eurodéputé, “le but n’est pas de défendre un programme mais des outils d’assainissement du pouvoir”. Ainsi, les candidats s’engagent à voter blanc sur les sujets de société “pour conserver leur neutralité”. Leur seule revendication est donc de parvenir à faire une loi européenne imposant la comptabilisation du vote blanc lors de toutes les élections. Une décision qui, si elle finit par voir le jour, impliquera la disparition du mouvement.
Radicalement citoyen
A 40 ans, Damien Courcoux a décidé de se lancer en politique en conduisant une liste dans la circonscription Nord-ouest. “On a envie d’agir à notre petit niveau sur les questions de la multiplication des lois et règlements, mais aussi sur une sensibilisation au travail des enfants comme en Italie, au Portugal, en Slovénie”, explique-t-il à La Voix du Nord.
Sur son site, on retrouve également quelques propositions:
- Création d’une “force de l’ordre européenne” afin de lutter efficacement contre la criminalité et assurer la sécurité de tous les européens, tout en maintenant la libre circulation en Europe.
- Harmonisation vertueuse de la protection sociale et les salaires pour que chaque citoyen européen ait enfin accès aux mêmes droits et cela quelque soit où il vive.
Pour une Europe utile aux Français
“Nous sommes un rassemblement de citoyennes et de citoyens, de toutes générations et de tous horizons, qui a choisi de prendre son destin en main et de proposer des solutions crédibles”, précise le site de cette liste conduite dans le sud-est par Aurélien Michel, 32 ans qui se présente comme pilote dans l’armée de l’air. “L’Allemagne a su utiliser toutes les ressources de l’Union Européenne pour se hisser au rang de première puissance économique européenne. Nous Français, serions-nous moins capables que les Allemands d’en tirer tous les meilleurs fruits ? Je ne le crois pas”, explique-t-il.
Les deux premières propositions de ce jeune candidats sont très claires:
La création d’un Pôle Emploi européen.
La création d’un pôle européen de la logistique.
La France se réveille
Damien Merlet présente une liste dans l’Ouest que France 3 a qualifié de “poujadiste”à travers notamment une lutte “la caste politique qui n’entend plus les Français”. Si l’on retrouve parmi ses propositions la création d’un Smic européen ou une volonté d’harmoniser les charges sociales, sa principale revendication concerne les automobilistes. “Avoir un député européen au service des usagers de la route demain, c’est possible”, écrit-il sur son site où il se dit à la pointe de la lutte contre les PV injustifiés.
“Élu, je m’engage à réunir toutes les associations et fédérations d’usagers de la route représentatives et non exclusivement les associations de victimes. Ensemble, nous construirons la sécurité routière de demain, en tenant compte des réalités de terrain et en s’inspirant des progrès réalisés dans d’autres pays. Progrès qui ont prouvé leur efficacité”, précise-t-il.
Programme libertaire pour une Europe exemplaire
Après avoir obtenu 24 voix, en 2009 dans le Massif Central, Nicole Pradalier conduit cette fois-ci la liste dans le Sud-Ouest. Son programme est construit autour “de dix principes éthiques qui lanceraient les bases d’une construction humaine”. En bonne position figure la lutte contre le sexisme. “Il est regrettable que les dictionnaires imposent leur sexisme en péjorant les termes qui désignent les femmes et en valorisant ceux qui désignent les hommes. Nous nous élevons contre de telles pratiques en revendiquant l’égalité absolue de valeur entre les sexes et la reconnaissance de leur diversité qui fait notre richesse”, précise la charte du mouvement.
Syndicat de lutte contre les banques
Devant la difficulté à rassembler des candidats, Dominique Michel s’est replié sur la circonscription Centre-Massif central où le nombre de sièges à pourvoir est le moins grand. La tête de liste est l’auteur d’un e-book intitulé “Crise de la dette : Crime contre l’humanité. François Hollande, père de l’esclavage moderne”.
“Ce syndicat contre les banques s’adresse exclusivement aux personnes possédant des griefs naturels contre ces organismes toxiques”, explique la page Facebook du mouvement. “Régies par une loi anticonstitutionnelle, les banques sont LA cause de la crise actuelle“, insiste le candidat qui annonce aussi une mystérieuse grève après le scrutin.
Mayaud hors bords
C’est dans le Sud-Est que Christophe Mayaud a décidé de lancer sa liste. Présent aux municipales dans le village de Crevoux (Hautes-Alpes), il n’avait rassemblé que 24 voix sur son nom. Pour les européennes, il se présente sans programme avec une liste composée de bric et de broc. “Je suis candidat en entraînement en vue des présidentielles”, se contente-t-il de déclarer.