Une tour Eiffel en taille réduite et des Champs-Elysées en périphérie de Shanghai. Une copie presque conforme de la basilique Saint-Pierre de Rome à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire. En architecture aussi, l’imitation du réel et la copie gagnent du terrain. Sur trois continents, un surprenant voyage dans un monde en trompe-l’œil :
“Avant, ici, il n’y avait que des champs”, assure le gardien qui veille sur “la” tour Eiffel. “Je la vois tous les jours, elle n’a rien de beau, poursuit-il, mais ceux qui ne l’ont jamais vue la trouvent belle”. Sorti de terre à la périphérie de Shanghai en 2007, le luxueux quartier de Tianducheng, dans la banlieue de Hangzhou, compte aujourd’hui plus de 10 000 logements. Avec ses immeubles aux façades haussmanniennes, ses Champs-Élysées et sa réplique de la “Dame de fer” – trois fois plus petite que l’originale tout de même–, son air parisien a été pensé pour séduire les familles en quête de prestige. En Chine encore, avec ses pubs et ses maisons de briques typiques, l’architecture britannique est, elle, à l’honneur à Thames Town, dans le district de Songjiang, et dans celui de Suzhou, où une copie du Tower Bridge, l’emblématique pont londonien, attire par grappes les jeunes mariés qui viennent s’y faire photographier. Et tandis qu’à Dibai, en Uttar Pradesh, un vieil homme érige sa modeste copie du célèbre Taj Mahal en souvenir de son aimée disparue, à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, les fidèles affluent par cars à la basilique Notre-Dame de la Paix, copie presque conforme de celle de Saint-Pierre de Rome.
Imaginaires géographiques
Des vraies villes “copiant” le style architectural des grandes cités européennes aux faux monuments inspirés par d’augustes modèles, l’utopie d’un lointain ailleurs près de chez soi se cultive un peu partout sur la planète. Dans un surprenant tour du monde qui nous entraîne de la Chine à l’Afrique en passant par l’Inde, Benoit Felici interroge spécialiste de l’architecture, historien, géographe et habitants de ces lieux témoins tout à la fois d’une culture globalisée et de promesses de dépaysements sans de coûteux déplacements : “Prendre des photos près du London Tower Bridge, explique ainsi un jeune photographe, c’est comme capturer un souvenir : celui d’un voyage qui n’a jamais eu lieu.”
Source : Arte