L’Abbaye Saint-Philibert de Tournus, chef-d’œuvre du premier art roman, est la plus ancienne des grandes églises romanes de Bourgogne. Elle cache sous son sol une crypte exceptionnelle.
Cette crypte est composée de plusieurs espaces contigus et structurés pour la circulation liturgique ; c’est une des plus anciennes de ce genre. Comme le chœur, elle date en grande partie du début du XIe siècle, d’avant la consécration de 1019. La partie centrale est peut-être plus ancienne : les historiens la datent parfois du Xe ou même du IXe siècle, alors à l’époque de l’arrivée des moines philibertins à Tournus. En tout cas, c’est l’une des plus grandes cryptes de la première période romane, à comparer avec les cryptes d’Auxerre et celle de Meaux, se composant de plusieurs espaces entièrement voûtées. Les voûtes couvrent la totalité de l’espace de la crypte.
À l’exception des chapelles, ces voûtes sont brutes de décoffrage. Le mortier a conservé l’empreinte du couchis de planchettes de bois qui couvrait les moules (ancienne méthodes de construction). La partie centrale, dite confession ou martyrium, est une salle à trois nefs voûtées de même hauteur, portées par deux files de cinq colonnes et les murs de pourtour. Ce voûtement supporte le chœur de l’église. À chaque extrémité, les paires de colonnes galbées sont des réemplois romains de provenance inconnue, retaillés à longueur. Les trois paires de colonnes centrales, cylindriques, en calcaire blanc, sont par contre médiévales.
Les chapiteaux des colonnes sont sculptés de feuillages et de motifs végétaux du type corinthien. Ils datent de la première partie du XIe siècle mais ont été restaurés au IXXe siècle. À l’ouest de cette salle, empiétant sous la croisée du transept, se trouve un puits assez profond, dont la présence serait antérieure à l’édification de l’abbaye. La légende raconte que saint Valérien, premier saint patron de Tournus, évangélisa la ville au IIe siècle de notre ère. Torturé avec des ongles de fer, on lui trancha la tête, qui aurait été jetée dans le puits. Et c’est sur le lieu de la décapitation du martyre qu’une communauté chrétienne décida de s’établir.
Le déambulatoire de la crypte, faisant le tour de la partie centrale et s’ouvrant sur les chapelles, est construit avec des blocs de moyen appareil blanc. Il est voûté d’un berceau annulaire en blocage reposant sur des pilastres à impostes des murs. Il y a trois chapelles rayonnantes de plan rectangulaire avec des voûtes en berceau. La chapelle axiale conserve le sarcophage monolithe de saint Valérien qui remonterait au IIe siècle.
Dans la chapelle de droite, la voûte conserve des fresques romanes de la deuxième moitié du XIIe siècle, représentant le Christ en Gloire et la Vierge Marie en Majesté dans une mandorle et portant l’enfant. D’autres fresques montrent l’Agneau Pascal. Au nord et au sud, il y a deux autres chapelles exiguës et un couloir parallèle au déambulatoire, situé sous les chapelles latérales du chœur.
L’accès à la crypte se fait depuis le bras nord du transept. L’escalier du côté sud, qui permettait un parcours processionnel à sens unique, a été muré. Le plan de la crypte est repris à l’étage supérieur par le déambulatoire du chevet. Le sol est recouvert d’une splendide mosaïque de la première moitié du XIIe siècle. Découvertes sous le pavement en 2001, elles ont été remises en valeur et rendues accessibles aux visiteurs. Les mosaïques représentent les signes du zodiaque et les travaux des mois des saisons de l’année en alternance, symbolisés dans des médaillons circulaires. Seule une petite partie des motifs est conservée : quatre médaillons seulement sur les vingt-quatre que devait constituer l’ensemble complet (les gémeaux et le cancer pour les signes du zodiaque, un cavalier au faucon et une fenaison pour les mois de l’année. Ces mosaïques romanes sont uniques en Bourgogne et témoignent de l’originalité et de la qualité du décor de l’abbaye de Tournus au Moyen-Âge.