Tout, tout de suite

En avril 2014, on s’en souvient, sortait au cinéma un premier film sur l’affaire Ilan Halimi, réalisé par Alexandre Arcady. 24 jours, tiré du livre éponyme de Ruth Halimi, délivrait le témoignage personnel de la mère du défunt sur l’ensemble des faits survenus en 2006, au cours desquels son fils – supposément riche en raison de sa judéité… – fut enlevé, séquestré et assassiné par ceux que l’on qualifiera plus tard de « gang des barbares ». Avec Tout, tout de suite, Richard Berry propose aujourd’hui sa propre lecture de l’affaire. Moins factuelle, mais peut-être plus politique, celle-ci n’en est pas moins légitime ou pertinente.

Le réalisateur se base ici sur le roman de Morgan Sportès paru en 2011, qui signe avec lui le scénario du film. Là où 24 jours se focalisait sur l’enquête policière et sur l’état moral de la famille Halimi, le film de Richard Berry s’attache plus volontiers à dépeindre de l’intérieur le fameux « gang des barbares » ainsi que le calvaire subi par Ilan au quotidien.

Télescopant alors les échecs combinés de l’immigration, de l’assimilation, de l’éducation, et les ravages ordinaires d’une société de consommation – à laquelle renvoie le titre – qui, par sa culture « subversive » officielle (de gauche), valorise l’image du gangster et son ultraviolence, cette équipe de racailles se révèle aussi stupide que puérile. Tout, tout de suite, en cela, n’est pas sans évoquer « Tout est à nous », le capricieux slogan du NPA qui, en vérité, a tout avoir avec le paradigme libéral et à l’esprit de prédation qui règne dans la finance.

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Les personnages que brosse Richard Berry – comme en produisent par milliers les banlieues françaises – ont, en effet, parfaitement assimilé, si l’on en croit leur expression, les critères de « performance » de leur époque et le jargon des agences d’intérim que professent à longueur de médias les experts de tout poil : « dispositif », « opération », « structure », « stratégie de communication ». Autant de mots prononcés par Fofana et ses séides qui n’ont pourtant jamais fréquenté les écoles de commerce… Ceux-là se voudraient efficaces, organisés, mais font preuve néanmoins d’une naïveté inculte qui frise l’amateurisme. On pense à la cible choisie en fonction de sa seule confession religieuse, aux empreintes laissées dans la voiture d’Ilan, à la somme faramineuse (irréaliste) réclamée par les ravisseurs, et à ce que ceux-ci projettent d’en faire : rembourser deux ou trois dettes dérisoires, acheter un scooter et de nouvelles sapes…

L’antisémitisme est central, s’accompagne de propos haineux envers la France et de racisme anti-blanc, comme en atteste par ailleurs l’un des seuls « Gaulois » de la bande, surnommé « Tête de craie » et évidemment converti à l’islam par souci d’homogénéité…

En fin de compte, Richard Berry livre un film anthropologique à l’approche chirurgicale, distanciée de toute « impureté » émotionnelle, et évite ainsi le pathos auquel cédait par moments 24 jours, si tant est bien sûr que ce fût une bévue… Le film est brillant, mérite d’être vu, et – d’après les réactions dans la salle (à Châtelet) où un bon cinquième des spectateurs venus de banlieue riaient aux scènes de torture – se révèle plus que jamais d’actualité…

Pour autant, si l’on veut connaître plus en détails les remous de l’affaire policière, on se reportera de préférence sur le film d’Alexandre Arcady.

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