Par Nicolas Tandler
Le travail des femmes, selon l’historiographie officielle, remonterait au XIXe siècle. En réalité, on le rencontre de tout temps, dès la préhistoire et à la naissance des temps historiques. L’âge industriel le fait sortir du foyer (artisanat, etc.) et des champs, pour le faire entrer dans les ateliers et les manufactures. Cette évolution s’accompagne de sa dévalorisation avec la notion de « travail d’appoint », simple complément au salaire masculin.
Le « travail d’appoint » des femmes domine les esprits (encore aujourd’hui en partie) chez les syndicalistes, y compris marxistes, jusque dans la décennie cinquante du XXe siècle. A un congrès de la CGT de l’époque, le secrétaire général Benoît Frachon (dirigeant PC de surcroît) lance une tirade demeurée célèbre. Il dénonce la « machine à laver, l’aspirateur, le frigidaire », etc., qui ont rendu la ménagère plus disponible pour se faire exploiter dans les fabriques et les bureaux par les « capitalistes », et il évoque avec nostalgie le temps où le revenu du compagnon suffisait à entretenir un foyer. Les socialistes contemporains partageaient sa vision machiste, dissimulant mal la volonté de confiner les femmes dans des occupations subalternes. L’image la plus célèbre en demeure les travailleuses soviétiques débarrassant avec des outils manuels la neige et la glace en URSS, libération féminine discutable.
La famille absente
Il y eut, dans les décennies 1960 à 1980, un formidable développement de l’emploi féminin en France. Néanmoins, aucune adaptation structurelle ne l’accompagna. Les politiciens ne tinrent aucun compte des besoins familiaux. Le Code du Travail, dans son titre IV, sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (art. 1141-1) ne mentionne pas la famille.
La section VII traite du local destiné à l’allaitement en entreprise des enfants de moins d’un an. L’obligation n’en existe que pour les employeurs de plus de 100 salariées, mais s’avère peu mise en œuvre. Les crèches d’entreprise, qui ne sont plus mentionnées par le Code, sont rarissimes. Personne ne s’émeut du spectacle matinal et vespéral des mères (parfois, des pères) courant déposer leur enfant à des crèches avant de se rendre sur leur lieu de travail, et les reprenant à leur fin de journée. Pourtant, ces institutions, quand il y en a en entreprise, recueillent la satisfaction unanime des employeurs et salariées car, aux pauses, les mères peuvent voir leurs enfants, et leur tranquillité d’esprit profite à leurs activités.
Féminisme et infériorité
Plus on met le féminisme à la Simone de Beauvoir en avant, depuis les années 1960, plus l’on proclame la parité, plus la condition des femmes se dégrade. Leur travail tend à redevenir un appoint. En un peu plus de trente ans, l’emploi partiel féminin est passé de 15 % (1980) à 30,1 % (2011), pendant que celui des hommes s’élevait de 2 % (1980) à 6,7 % (2011). 82 % des temps partiels sont féminins. L’infériorité salariale demeure, avec 28 % de moins par mois pour les femmes (situation en 2011). L’effondrement de l’industrie en France ne profite pas aux femmes, car la différence à leur détriment n’y atteint que 11,7 %. Les chiffres concernant la retraite révèlent une disparité frappante : non seulement le montant moyen des pensions est de 932 euros pour une femme contre 1 603 euros pour un homme, mais 29 % des femmes liquident leur retraite à 65 ans et plus, à comparer aux 14,4 % d’hommes agissant de même. Si l’on s’intéresse aux retraités validant une carrière complète entre 70 et 74 ans, on découvre 83,2 % d’hommes, et 43,7 % de femmes…
Le rôle de la femme dans la famille se situe, comme de juste, au cœur du problème. L’idéologie féministe, versions libérale et marxiste conjuguées, tend à placer la femme devant le choix obligatoire, travailler ou avoir des enfants. Or, plus les activités proposées aux femmes se réduisent ou sont grevées du temps partiel, plus les naissances diminuent (selon des études réalisées en particulier en Allemagne et en Italie). Simultanément, en France, on constate que le taux d’emploi des femmes avec un enfant de moins de 3 ans tombe de 69,2 % à 59,6 % quand elles en ont deux, et 36,2 % avec trois enfants. Si l’on ajoute à ceci la minoration systématique du taux de chômage féminin, dans un contexte d’une baisse de plus d’un tiers, en un quart de siècle, du nombre de femmes au foyer, on saisit la gravité d’une situation très paradoxale, mais signe clair du résultat d’une politique ignorant sciemment la famille en tant que facteur social.