Beaucoup donneraient tout pour sortir de prison. Pas Leila. La rude détenue n’a pas voulu être graciée. Et moins encore être envoyée auprès d’un prêtre aveugle, vivant dans un presbytère isolé au cœur d’une forêt. Certes, la tâche est peu contraignante : lire chaque jour au P. Jacob une poignée de lettres en provenance de tout le pays et l’aider à y répondre. Mais c’est déjà plus qu’elle n’en peut supporter.
Qui sont tous ces inconnus qui demandent son intercession et à qui le prêtre répond avec une telle urgence ? Leila profite vite de la cécité de cet hôte, qu’elle trouve trop prompt à dispenser sa miséricorde.
Le cinéaste Klaus Härö a des raisons de croire dans le pouvoir des lettres. Son film a vu le jour grâce à celle d’une inconnue, Jaana Makkonen, qui lui en a adressé le scénario.
D’une grande sensibilité tant visuelle qu’intime, il convoque trois personnages (le P. Jacob, Leila, le facteur) en trois lieux : un presbytère, un jardin, une église, magnifiquement filmés dans des lumières miroitantes ou sous les ciels changeants de la Finlande.
De rares mouvements de caméra suggèrent le désaccord de ses personnages principaux dès leur rencontre : le prêtre, désorienté, tend sa main dans la mauvaise direction à l’arrivée de sa nouvelle assistante. Tous deux se font, sciemment ou inconsciemment, violence et injustice. Il y a dans cet homme un trop grand besoin de donner et dans cette femme une trop grande répugnance à recevoir.
Là où le P. Jacob fait tant de bien aux correspondants qui sollicitent son aide, il ne fait que blesser et exciter l’agressivité de sa protégée, bien malgré lui.
Le don peut être une intrusion dans un cœur rétif, et l’isolement un poison mortel pour celui qui s’abreuve de l’autre. Cette incompréhension nourrit le drame d’un scénario dont on regrettera quelques extrémités, jurant avec la sobriété de la mise en scène et la justesse des acteurs. Mais en seulement un peu plus d’une heure, Klaus Härö parvient à suggérer, en aquarelliste, les étapes d’une quête de paix intérieure.