Le groupe État islamique (EI) a diffusé dimanche une vidéo montrant la décapitation d’hommes qu’il présente comme des Égyptiens de confession chrétienne copte récemment kidnappés en Libye, poussant le président égyptien à faire planer la menace de représailles «adéquates.
Avec ces exécutions revendiquées par sa branche libyenne, quelques jours seulement après l’annonce de la décapitation de huit personnes par sa branche égyptienne, l’organisation djihadiste démontre qu’elle a exporté ses méthodes d’extrême brutalité en dehors de sa «base», dans les régions qu’elle contrôle en Syrie et en Irak et où elle a multiplié les atrocités.
Au Caire, le président Abdel Fattah al-Sissi, qui a convoqué d’urgence le Conseil national de la Défense, a affirmé l’air grave que son pays se réservait «le droit de répliquer de la manière et au moment adéquat, pour punir ces assassins.»
L’Égypte avait été accusée en 2013 d’avoir mené des frappes aériennes en Libye mais les autorités avaient nié. Des responsables américains avaient également affirmé que les Emirats arabes Unis avaient conduit ces frappes, en utilisant des bases militaires égyptiennes.
Sur la vidéo, diffusée sur internet dimanche, des hommes portant des combinaisons oranges, semblables à celles d’autres otages exécutés ces derniers mois en Syrie par le groupe djihadiste, sont alignés sur une plage les mains menottées dans le dos, avant que leurs bourreaux ne les décapitent au couteau.
En janvier, la branche libyenne de l’EI avait affirmé avoir kidnappé 21 coptes égyptiens et Le Caire avait confirmé que 20 de ses ressortissants avaient été enlevés en Libye voisine dans deux incidents séparés.
De nombreuses condamnations
La Maison Blanche a réagit en condamnant le “meurtre lâche et abject” des Egyptiens. “Ce massacre gratuit d’innocents n’est que le dernier en date des nombreux actes brutaux perpétrés par les terroristes affiliés à l’EI contre les peuples de la région”, a dit le porte-parole de la Maison blanche Josh Earnest, mentionnant “les meurtres de dizaines de soldats égyptiens dans le Sinaï”.
“Cet acte haineux souligne une fois de plus l’urgence nécessité d’un règlement politique du conflit en Libye, dont la poursuite ne profite qu’aux groupes terroristes”, a-t-il ajouté.
La Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) a condamné fermement la décapitation de chrétiens, évoquant un crime terroriste qui doit être dénoncé par tous les Libyens.
“La Manul condamne fermement l’assassinat de ressortissants égyptiens en Libye aux mains des terroristes de l’EI. Ce crime terroriste (…) doit être rejeté et dénoncé par tous les Libyens”, a ajouté la mission dans un communiqué.
De son côté le Parlement libyen reconnu par la communauté internationale a condamné un acte terroriste et a exprimé sa solidarité avec ses frères égyptiens, affirmant que ces opérations terroristes n’affecteront pas les relations entre les deux pays.
Réagissant à la vidéo, l’Église copte orthodoxe s’est quant à elle dite «confiante» que les autorités égyptiennes ne laisseraient pas s’échapper les auteurs de «ce crime abominable.» Al-Azhar, l’une des plus prestigieuses institutions théologiques de l’islam sunnite basée au Caire, a qualifié ces exécutions de «barbares.»
Le président français François Hollande, dont le gouvernement doit signer lundi la vente de Rafales avec l’Égypte, a de son côté «exprimé sa préoccupation face à l’extension des opérations» de l’EI en Libye.
Sur la vidéo de dimanche, on ne voit avec certitude que l’exécution de 10 hommes, sans pouvoir dire s’il y a d’autres suppliciés ou non.
Au milieu de l’alignement, un homme habillé en treillis militaire s’exprime en anglais avec un couteau à la main alors que les autres bourreaux, un derrière chaque prisonnier, sont intégralement vêtus de noir et silencieux. Tous sont masqués.
Une incrustation au début de la vidéo situe la scène dans la province de Tripoli («Wilayat Tarabulus» pour l’EI) et un autre message écrit explique que les victimes sont «des gens de la Croix fidèles à l’Eglise égyptienne ennemie».
«Le corps de Ben Laden»
Un des bourreaux masqués s’adresse en anglais à la caméra en brandissant un couteau et déclare: «Aujourd’hui, nous sommes au sud de Rome, sur la terre musulmane de la Libye (…) cette mer dans laquelle vous avez caché le corps du cheikh Oussama ben Laden, nous jurons devant Allah que nous allons la mêler à votre sang».
Le groupe djihadiste dit également agir en représailles à d’anciens incidents sectaires en Égypte, durant lesquels l’Eglise avait été accusée par ses détracteurs d’avoir empêché la conversion présumée à l’islam des épouses de deux prêtres coptes.
La dernière vidéo d’exécution diffusée par l’EI remontait au 3 février, lorsque le groupe djihadiste avait montré un pilote jordanien brûlé vif dans une cage. Il avait été capturé en Syrie en décembre après le crash de son avion alors qu’il effectuait une mission dans le cadre de la coalition internationale antidjihadistes menée par Washington.
Le groupe État islamique a profité de la guerre civile en Syrie et de l’instabilité en Irak pour s’emparer de vastes régions dans ces deux pays.
Accusée de nettoyage ethnique et crimes contre l’Humanité, cette organisation a reçu l’allégeance de plusieurs groupes djihadistes en dehors de Syrie et d’Irak, notamment en Libye et en Algérie, exportant ses méthodes brutales et ses pratiques médiatiques.
Le groupe djihadiste le plus puissant d’Égypte, Ansar Beït al-Maqdess, s’est ainsi rallié à l’EI et revendique régulièrement des attentats spectaculaires contre les forces de l’ordre, publiant sur les réseaux sociaux des vidéos-chocs tournées durant ces attaques ou filmant des décapitations.
Depuis l’été dernier, l’EI a décapité cinq otages occidentaux enlevés en Syrie, trois Américains et deux Britanniques. Il a également exécuté deux otages japonais en janvier.
La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi, les autorités ne parvenant pas à contrôler les dizaines de milices formées d’ex-insurgés qui font la loi face à une armée et une police régulières affaiblies.