« J’ai cherché pendant trente ans quelqu’un qui vivait à 1 h 30 de chez moi »

L’histoire paraît invraisemblable. Un homme conçu il y a 34 ans grâce à un don de sperme a retrouvé son géniteur grâce à un test génétique vendu sur Internet. Arthur Kermalvezen, l’un des plus ardents défenseurs de l’accès aux origines des enfants nés grâce à cette technique, a pu identifier et contacter son donneur en moins de douze heures. Une affaire qui met à mal l’anonymat du don garanti par la loi.

Tout commence en septembre dernier. Ce jour-là, Arthur et sa femme Audrey ont réuni une dizaine de personnes nées après une insémination artificielle avec donneur (IAD). Toutes veulent percer le secret de leur conception et ont commandé sur un site américain des kits permettant d’effectuer des tests génétiques pour 99 dollars (81 €) dont les résultats seront comparés à une gigantesque base de données.

« J’ai cherché pendant trente ans quelqu’un qui vivait à 1 h 30 de chez moi »

Moins de trois semaines après avoir renvoyé les tests par la poste, Arthur est averti que l’entreprise a retrouvé dans sa base un profil génétique voisin du sien et lui envoie par mail le nom de Larry, un homme vivant à Londres et qui lui est présenté comme étant son cousin germain. Arthur le contacte, étudie son arbre généalogique et en déduit l’identité de son géniteur.

Une recherche sur Internet plus tard, il retrouve son adresse, dans les environs de Paris, et lui écrit. Le soir de Noël, son téléphone sonne. Au bout du fil, la voix douce d’un homme de 70 ans : « Allô Arthur ? Est-ce que tu vois qui peut t’appeler un 25 décembre ? » Le contact est désormais établi et les deux hommes doivent se rencontrer prochainement. Arthur n’en revient pas. « J’ai cherché pendant trente ans quelqu’un qui vivait à 1 h 30 de chez moi. »

Imposer le thème de l’anonymat du don dans les débats

En faisant ces révélations quelques jours avant le lancement officiel jeudi 18 janvier des états généraux de la bioéthique, Arthur et Audrey Kermalvezen comptent bien imposer le thème de l’anonymat du don dans les débats. Tous deux veulent démontrer qu’avec les nouvelles technologies, ce principe est devenu caduc dans les faits et qu’il y a donc urgence à revenir sur la loi. La règle de l’anonymat pour les dons de gamètes, calquée sur la législation régissant les dons de sang, a été instituée dès le début des années 1970. Une obligation gravée dans le marbre en 1994, lors de l’adoption des premières lois de bioéthique, et jamais remise en cause depuis.

 

Pour Jean-René Binet, professeur de droit à l’université de Rennes et spécialiste de bioéthique (1), « le principe d’anonymat absolu est une anomalie qui méconnaît les droits des enfants à connaître leur origine. En Europe, plusieurs États qui, à l’instar de la France, avaient opté pour la règle du secret y ont récemment renoncé », poursuit-il. Ces dernières années, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée à plusieurs reprises en faveur de l’accès aux origines des enfants. En avril, Audrey a d’ailleurs déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme pour connaître l’origine de son donneur, après avoir été déboutée par tous les échelons administratifs français. Les juges strasbourgeois devraient examiner la requête de la jeune femme dans les prochaines semaines.(…)

 

 

Source

 

Résumé éditeur

Conçu par insémination artificielle avec donneur (IAD), Arthur ne connaît pas son ” géniteur “. Ainsi le veut la loi qui impose l’anonymat aux donneurs de sperme. Quel est le visage du donneur qui a contribué à sa conception ? Comment bien vivre quand on ignore la moitié de ses origines génétiques ? Chacun a le droit de savoir d’où il vient. Arthur Kermalvezen tire la sonnette d’alarme sur les ravages que cette ignorance provoque. II s’insurge contre la surdité de ceux qui prennent à la légère les conséquences de leurs actes. Il attend une plus grande bienveillance vis-à-vis des personnes issues de dons de gamètes. (ouvrage publié en 2010)

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